<11> reconnaissance, dont je n'ai point voulu retarder les expressions. Je supplie V. M. de vouloir bien les recevoir avec cette bonté qu'elle m'a lait éprouver tant de fois, et surtout de croire ces expressions fort au-dessous des sentiments de mon cœur.
M. le comte de Gzernichew, dont V. M. m'a lait l'honneur de me parler dans sa dernière lettre, et avec qui je me suis souvent entretenu de la gloire, des talents suprêmes et des vertus de V. M., et surtout de mon admiration et de mon dévouement pour elle, aura sans doute rendu justice à ces sentiments lorsqu'il a bien voulu parler de moi à V. M., pour laquelle il m'a paru pénétré de la vénération qu'elle inspire à toute l'Europe.
Je ne crois pas que nous voyions Voltaire à Paris; je doute que sa santé le lui permette, et encore plus que la cour soit fort empressée de le voir. Il nous trouverait tels qu'il nous a laissés il y a vingt-cinq ans, faisant et disant beaucoup de sottises. Une des plus sérieuses, parce que les suites en ont été exécrables, est l'affaire du malheureux Étallonde, dont beaucoup de gens honnêtes continuent à s'occuper; mais nous avons affaire à une compagnie qui est encore bien absurde et bien barbare. Il faut que la justice et la raison combattent ici contre la superstition, l'atrocité et l'orgueil réunis; et le combat n'est pas égal.
Le sieur Tassaert, que je vois de temps en temps, ne cesse de me témoigner combien il est ravi d'entrer au service d'un grand homme, et de l'appréciateur le plus éclairé des talents. Il est si empressé de se rendre à son devoir, qu'il avancera beaucoup son départ; il compte se mettre en route dans un mois, et arriver dans les premiers jours de juin, c'est-à-dire environ six semaines plus tôt qu'il ne comptait pouvoir faire. Je prends la liberté de le recommander à V. M. pour le logement qu'il désire, et qui, en mettant le comble à son bonheur, augmenterait encore, s'il est possible, son ardeur et son zèle pour le service de V. M.