<119> juridiques; on disait hautement que les magistrats qui avaient tant lait administrer et enterrer de jansénistes ne pourraient, en bonne justice, refuser la même grâce à M. de Voltaire, après la déclaration qu'il avait faite. Malgré ces représentations, la famille eut peur du parlement, qui, n'aimant pas M. de Voltaire, à cause des épigrammes dont cette compagnie a souvent été l'objet dans ses ouvrages, aurait pu en cette occasion ne lui être pas favorable. Le public ne pensait pas ainsi, et soutenait que le parlement aurait été forcé en cette circonstance par la voix publique, malgré toute la mauvaise volonté qu'il pouvait avoir; il y avait d'ailleurs un grand nombre de magistrats, surtout parmi les jeunes gens, et quelques-uns même parmi les vieillards, qui paraissaient très-bien disposés. Malgré toutes ces représentations, la crainte des parents fut plus forte que la raison, et ils se sont tenus dans une inaction que le public a fort désapprouvée. Le samedi 30 mai, jour de la mort, l'abbé Gaultier, quelques heures avant ce fatal moment, offrit encore ses services par une lettre qu'il écrivit à l'abbé Mignot; celui-ci alla sur-le-champ chercher l'abbé Gaultier et le curé de Saint-Sulpice, qui vinrent ensemble. Le curé s'approcha du malade, et lui prononça le mot de Jésus-Christ; à ce mot, M. de Voltaire, qui était toujours dans l'assoupissement, ouvrit les yeux, et fit un geste de la main comme pour renvoyer le curé, en disant : « Laissez-moi mourir en paix. » Le curé, plus modéré en cette occasion et plus raisonnable qu'à lui n'appartenait, se tourna vers ceux qui étaient présents, et dit : « Vous voyez bien, messieurs, qu'il n'a pas sa tête. » Il l'avait pourtant très-bien en ce moment; mais les assistants, comme vous croyez bien, Sire, n'eurent garde de contredire le curé. Ce capelan se retira ensuite, et dans les propos qu'il tint à la famille, il eut la maladresse de se déceler, et de prouver clairement que toute sa conduite était une affaire de vanité. Il leur dit qu'on avait très-mal fait d'appeler l'abbé Gaultier, que cet homme avait tout gâté, qu'on aurait dû s'adresser à lui seul, curé du