<161>Quint se retira au couvent de Saint-Just, et la Sorbonne deviendra l'asile de mes vieux jours; elle me tiendrait lieu de purgatoire, je quitterais Riballier et Patouilleta pour Abraham, Isaac et Jacob; accoutumé à m'ennuyer avec les docteurs, je me ferais à l'ennui des patriarches, et je détonnerais moins en chantant l'éternel alleluia. Plein du beau zèle qui m'anime, et dévoré du désir de faire des prosélytes, je vous propose d'entrer avec moi en Sorbonne; je commenterai leurs billevesées, et vous calculerez leurs sottises, si vous ne manquez point de chiffres pour les nombrer.
Il faudra s'y prendre adroitement pour arracher de nos prêtres une messe et un service pour Voltaire; les Allemands ne connaissent son nom que comme celui d'un athée, d'un Vanini, d'un Spinoza, et il faudra négocier pour amener cette messe à une fin heureuse. La Sorbonne soutiendra également qu'il est damné et dévolu à l'empire du prince des ténèbres. Hélas! leurs plaies saignent encore, et l'aiguillon de la plaisanterie y est enfoncé si profondément, que la vive douleur qu'ils en ressentent n'est pas apaisée, et ne s'apaisera de sitôt; car quiconque attaque l'Église attaque Dieu, et quiconque attaque Dieu doit être extirpé du nombre des vivants. Cela est clair, l'argument est en forme; par conséquent Voltaire bout à présent dans la chaudière infernale.
Mais quittons l'enfer, et retournons à Paris, où vous me dites que M. de Rulhière, que je connais, se propose d'écrire l'histoire des derniers troubles de la Pologne. Il me semble que l'époque est trop récente pour qu'un historien puisse s'expliquer sur cet événement avec toute la liberté convenable; les acteurs existent tous, et il est difficile, en voulant dire la vérité, de ne pas choquer l'un ou l'autre. Ce qu'on peut dire en gros sur cette matière se réduit à ceci : que les Polonais mécontents s'étaient confédérés pour détrôner un roi que l'impératrice de Russie leur avait donné; que quelques propositions relatives
a Le père Louis Patouillet n'est guère connu que par ses démêlés avec Voltaire.