<169> si héroïques, j'aurais pourtant besoin, Sire, avec ma faible et frêle machine, d'une partie au moins de ce courage, étant accablé de tristesse de ne pouvoir en ce moment faire un voyage que je désire en ce moment plus que jamais, et qui serait plus que jamais nécessaire à mon âme abattue et flétrie. Il faut avec douleur se soumettre à sa destinée, et ajouter ce nouveau chagrin à ceux que j'ai déjà éprouvés plus d'une fois dans ce meilleur des mondes possibles. Pourquoi faut-il que je sois privé par une indisposition douloureuse et dangereuse de la douce consolation d'aller porter à V. M. non seulement ma tendre vénération, ma reconnaissance profonde et mon admiration plus vive que jamais, mais l'attachement et le respect que toute la France a pour elle, et dont je voudrais qu'elle pût être témoin? Ces sentiments, Sire, augmenteront encore, si l'on apprend ici que V. M. ait fait rendre les honneurs funèbres au grand homme à qui nos prêtres les ont si indignement refusés. Il est bien étrange que notre gouvernement ait souffert cette infamie, et qu'on laisse à ces fanatiques la licence de flétrir, autant qu'il est en eux, la mémoire des hommes qui ont le plus illustré la nation. Je me flatte, d'après l'espérance que V. M. a bien voulu m'en donner, que le 30 mai dernier, jour anniversaire de la mort de ce grand homme, qui depuis deux ans n'existe plus, son service solennel aura été célébré d'une manière digne du héros et du philosophe qui en aura donné l'ordre et fait les frais. Nous avons ici actuellement une assemblée du clergé, à qui M. Necker, notre Sully et notre Colbert, se prépare à demander beaucoup d'argent qu'il faudra bien donner; je m'imagine qu'elle sera bien irritée du service de Voltaire, et je me flatte que c'est l'intention de V. M. Je ne lui en épargnerai (je veux dire au clergé) aucun des détails qui pourront humilier son orgueil et son fanatisme.
Nous sommes ici dans l'attente la plus impatiente du succès de cette troisième campagne, surtout en Amérique. L'insolence et la piraterie anglaise révoltent toutes les nations de l'Europe. La déclara-