<180>taine, ni le plus grand roi, ni le plus grand et le plus vrai philosophe de ce siècle, ni le protecteur de l'Allemagne, ni le réformateur de la justice, ni enfin l'exemple des souverains et des gens de lettres. Avec ces adoucissements, Sire, on peut supporter la vie, qui, pour un être tel que moi, est tantôt douloureuse, tantôt insipide, et jamais agréable.
Mais je m'aperçois, Sire, et je m'en aperçois bien tard, que je n'ai presque fait encore que vous parler de moi, dont je ne nous avais déjà parlé que trop dans ma dernière lettre. J'en demande très-humblement pardon à V. M., et je passe à un objet qui l'intéresse davantage, et moi aussi, à ce grand homme dont V. M. a si éloquemment et si dignement honoré la mémoire. Vous pensez, Sire, que la forme de l'église de Berlin ne se prêterait guère au monument que j'ai eu l'honneur de vous proposer. Permettez-moi de vous faire observer que cette église est construite, dit-on, dans la manière du Panthéon de Rome, autrement dit, par un heureux changement de nom, Notre-Dame de la Rotonde; or Raphaël est enterré dans cette église, et on lui a érigé un monument dont V. M. pourrait aisément se faire donner la forme et les dimensions. Elle pourrait alors en élever un pareil, à Berlin, au Raphaël de la littérature française, et ce serait, ce me semble, pour cette église une beauté de plus, et pour V. M., protectrice du génie, même après sa mort, un nouveau monument de grandeur et de gloire.
En attendant, Sire, ce monument si précieux pour les lettres et pour la philosophie, dont j'ose encore ne pas désespérer, on travaille sérieusement et sans délai au buste de marbre, tel que V. M. l'a ordonné, coiffé à la française, et de la plus parfaite ressemblance. Je ne sais si V. M. destine ce buste à son cabinet ou à l'Académie. Si elle en veut un second, je la prie de vouloir bien me donner sur cela ses ordres. Elle pourrait au reste se contenter de l'original pour l'avoir dans son cabinet, comme il m'a paru que c'était d'abord son inten-