<24>A présent, grâce à l'inconstance, on ne parle plus ni de pigeon céleste, ni de sainte ampoule, ni de sacre, ni de toutes ces pauvretés qui rappellent le souvenir des siècles d'ignorance et de barbarie. On dit beaucoup de bien de votre nouveau roi.a J'en suis charmé, pourvu qu'il persévère, et qu'il ne se laisse pas entraîner aux manigances de ses courtisans et de cette tourbe qui environne les rois, et réunit ses complots pour leur faire commettre des sottises. On vaille fort le choix de ses ministres. Pour moi, qui ne suis ni comme les singes qui imitent, ni comme les perroquets qui répètent, j'attends qu'ils aient été certain temps en activité pour juger d'eux par leurs actions. Je ne connais ni Turgot ni Malesherbes, mais bien un M. de Malézieu, homme très-instruit et aimable, qui passait sa vie auprès de madame du Maine, à Sceaux. Vos financiers et vos robins ne sont connus que de ceux auxquels les uns donnent des billets payables au porteur, ou de ceux qui gagnent les procès par leur habileté; leur réputation ne passe pas le Rhin, à moins qu'il ne paraisse quelque factum bien fait sur quelque cause célèbre. On aime dans l'étranger ceux qui font plaisir, non ceux qui ennuient. L'auteur d'une bonne tragédie aura un nom plus généralement connu que le premier président aux enquêtes, et que le chancelier même. Et puis, tous ces ministres passent; ils sont sur un piédestal si mobile, que le moindre choc les renverse, et on regrette d'en avoir fait la connaissance. J'ai vu, moi qui n'ai que soixante-trois ans, plus de quatre-vingts ministres en France. Ces productions de la faveur ou de l'intrigue n'intéressent guère, à moins qu'il ne se trouve dans leur nombre quelque homme bien supérieur. Je m'en tiens à un Voltaire, à un Anaxagoras; leur espèce n'a pas besoin de décorations étrangères, elle vaut par elle-même. Je leur donne la préférence sur les la Vrillière, les Amelot, les Laverdie, les Terray, les Rouillé, et toute leur séquelle; non pas qu'un ministre habile et honnête ne soit estimable, mais il doit se contenter de l'ap-
a Voyez t. XXIII, p. 387, 388, 426 et 430.