<245> se met fièrement sur les rangs : il détruit bien les systèmes qu'il attaque, surtout celui de Buffon; toutefois, lorsqu'il arrange le sien par un mélange bizarre et incompatible du système de Des Caries et de celui de Newton, et que je vois mon homme, par sa parole, créer et arranger l'univers, au lieu d'admirer ce puissant créateur, je lui assigne les Petites-Maisons pour demeure. Quiconque a bien examiné cette matière conviendra que si l'on veut respecter les axiomes fondamentaux de la raison, il faut de nécessité admettre l'éternité de l'univers. Le système de la création entraîne des absurdités à chaque pas qu'on fait pour l'établir; il faut nier l'ex nihilo nihil est,a que toute l'antiquité respectait; il faut se persuader qu'un être incorporel (dont nous ne pouvons nous faire aucune idée) forme la matière, et agit sur elle sans contact; il faut associer deux idées contradictoires, celle d'un Dieu bon et parfait à celle d'un ouvrage détestable qu'il s'est complu à faire. Le philosophe des Petites-Maisons méprise ces petites difficultés; il franchit hardiment les abîmes de l'incompréhensibilité; les rayons de la vérité fondent ses ailes artificielles, et le précipitent comme Icare dans une mer de contradictions où va se noyer le peu de bon sens qui lui reste. Passez-moi cette comparaison trop poétique; elle est un peu dans le goût de Balzac. Vous la lirez avec indulgence quand, réfléchissant que, plein des déclamations du créateur parisien et l'imagination échauffée par son style, il m'en est échappé quelque imitation dans cette lettre.

Tout le monde est ici tranquille. On ne crée rien, on se borne à jouir de ce qui est créé; et tandis que l'Empereur se chamaille avec le pape, et vous avec les Anglais, je roule mon tonneau comme Diogène, pour n'être pas seul désœuvré. Sur ce, etc.


a Voyez t. XXIII, p. 460.