<253> net à Zénon; il n'en est aucun qui ne convienne que la douleur est un grand mal. Je voudrais bien que notre bonne mère nature vous dispensât du pénible emploi de produire des Pyrénées et des Alpes au fond de votre vessie. C'est un mal trop sérieux pour que j'en badine, principalement lorsque vous en souffrez, vous que le Parnasse et tous les gens qui pensent désireraient qu'il fût immortel. J'espère donc d'apprendre au moins que cette fâcheuse maladie n'empire pas, et que vos amis peuvent se flatter de vous conserver encore longues années.
Que vous dirai-je du saint-père? Il a perdu son infaillibilité depuis qu'il s'est avisé d'aller à Vienne comme témoin de sa dégradation. Voilà une affaire finie pour l'Autriche. Vos Français n'imiteront point la conduite de l'Empereur. Il règne dans votre patrie plus de superstition que dans aucun État de l'Europe. Vos prêtres ont usurpé une autorité qui balance celle du souverain, et votre roi n'ose entreprendre contre un corps aussi puissant, sans avoir pris les plus sages mesures pour faire réussir un dessein aussi hardi. Ainsi, tout bien considéré, les États de l'Empereur seront les seuls qui profiteront de ce schisme de l'Église; les autres souverains manqueront ou de cœur, ou de sagesse, ou de moyens pour l'imiter. Cependant ne vous flattez pas que nous en soyons arrivés au temps où la raison dominera sur les hommes. Rappelez-vous que naguère un prince d'Allemagne a fait dire des messes sur le ventre de son épouse, assuré qu'elle en deviendrait enceinte.a Sachez qu'une secte, en Saxe,b évoque les morts comme la pythonisse d'Endor;c apprenez que les francs-maçons forment dans leurs loges une secte religieuse (c'est beaucoup dire) plus absurde que les sectes connues. Telle est notre pauvre
a Furetez dans tous les coins de l'Europe, vous y trouverez les hommes qui tiennent à leurs superstitions autant et plus qu'à leur patrimoine. (Variante de l'édition Bastien, t. XVIII, p. 368.)
b Les adhérents de Jean-George Schropfer, de Leipzig, mort le 8 octobre 1774.
c I Samuel, chap. XXVIII, v. 7 et suivants.