III. LETTRES DE D'ALEMBERT A L'ABBÉ DE PRADES.
1. D'ALEMBERT A L'ABBÉ DE PRADES.a
Paris, 2 septembre (1755).
J'appris hier, mon cher abbé, par M. de Knyphausenb que je n'avais point vu depuis mon retour, que vous vous plaigniez de mon silence. Cela s'appelle une vraie querelle d'Allemand. Vous devez vous souvenir que, en nous séparant à Wésel, vous me promîtes de me donner de vos nouvelles (et de celles de mes affaires) immédiatement après votre arrivée. Depuis ce temps, j'attends tous les jours de vos lettres; elles ne viennent point, et mes affaires sont toujours au même état; cela finira quand vous voudrez. Ce n'est qu'avec une extrême répugnance que je vous en parle, mais je suis endetté de cent louis avec mes libraires; ma pension n'est pas payée;c je peux mourir subitement, et je ne voudrais pas faire banqueroute en mourant, même à des libraires. Il en sera ce qu'il plaira à la destinée; je n'en parlerai plus à personne.
Vous auriez bien dû m'écrire au moins l'état où a été le Roi; ce n'est que par M. de Knyphausen que j'ai appris la chute qu'il a faite. Si vous avez occasion de lui parler de moi, je vous prie de mettre à ses pieds mon profond respect et mon attachement pour sa personne, que rien ne pourra jamais changer. Je vous embrasse de tout mon cœur. Vale et me ama.
Mille compliments au marquis d'Argens. J'aurais grande envie de le voir à Potsdam, ainsi que vous; mais il faut le pouvoir.
a Cette lettre et la suivante proviennent de la même source que la précédente.
b Voyez t. XX, p. 57.
c L. c, p. 57 et 287, et t. XXIV, p. 406.