<41> a sauvé de la mort tous ceux qu'il a pu connaître, et n'a point mis de bornes à sa charité. On nous assure que le froid a été, à proportion, aussi vif dans le Nord. Je crains bien que, s'il a été tel à Berlin, V. M. n'en ait cruellement ressenti les effets. Je la supplie de vouloir bien me rassurer elle-même sur sa santé, quoique toutes les nouvelles que j'en apprends soient très-consolantes pour moi.

Il est faux que Voltaire soit devenu marquis et intendant du pays de Gex, comme on l'a dit à V. M.a Il n'est pas plus marquis et intendant qu'auparavant; mais il a profité de la circonstance d'un contrôleur général vertueux et zélé pour le bien, pour demander que le pays de Gex, où il habite, ne soit plus dévoré par les financiers; et il a obtenu cette grâce, qui fait en même temps l'avantage du Roi et celui du peuple. Du reste, il se porte bien, et j'espère que, malgré son âge de quatre-vingt-deux ans, les lettres et l'humanité le conserveront encore. Quelle perte, Sire, comme l'observe très-bien V. M., quand nous aurons le malheur de la faire! J'en détourne ma pensée, et quand je dis tous les matins, comme je le dis depuis deux ans : Domine, salvumfac Regem, j'y ajoute un mot de prière pour un autre roi, que je vous laisse, Sire, à deviner, et un petit orémus pour le philosophe de Ferney.

Puisque V. M. veut bien avoir quelque égard à la recommandation que j'ai pris la liberté de lui faire pour M. Béguelin, je prends celle de lui demander de nouveau ses bontés pour cet homme de mérite, lorsqu'elle trouvera occasion de les lui faire éprouver.

Je lui demande aussi les mêmes bontés pour M. d'Étallonde, et avec d'autant plus de confiance, que je sais combien V. M. y est disposée, et combien ce jeune homme le mérite. V. M. a bien raison; on ne peut penser à l'affaire malheureuse de ce jeune homme sans être indigné contre les tigres en soutane et en longue robe dont le fanatisme imbécile et barbare a causé son malheur.


a Voyez t. XXIII, p. 413, 416 et 417.