<444> voulais m'égayer à ses dépens, comme tant d'autres, et peut-être que vous avez eu l'esprit plus porté au sérieux et au grave dans le temps de cette lecture, et que cela même vous a fait envisager mes badineries pour des vérités sérieuses. Je suis fâché de ne vous avoir pas pu exprimer un souris à cet article de ma lettre, pour marquer au coin de la raillerie un passage qui ne souffre aucune autre explication; tant il est sûr que l'on peut dire bien des choses que l'on ne saurait écrire. Un air, un geste, un clin d'œil suffît pour marquer notre intention;a c'est ce que l'on ne peut exprimer par écrit : l'encre reste noire, et le papier blanc; l'on ne peut ni faire rougir ni pâlir celui qui parle; si celui qui lit la lettre change de ton, cela donne un sens différent à la pensée; un air ironique la rend piquante, un ton monotone aplatit le feu du discours le plus sublime. Avant que de savoir donc de quelle façon vous avez lu ma lettre, il m'est impossible d'y trouver ce qui vous y a pu offenser; je vous assure toutefois que personne ne m'a parlé de vous, et que Pöllnitz est le seul à qui j'aie dit que je vous avais écrit cette badinerie. Je mériterais d'en être puni, car l'équivoque n'est pas une pointe que l'on doive chercher; ce n'est qu'un jeu de mots, et la base de la pensée, d'ordinaire, y est fausse. Voilà qui est fait, il ne sera plus question du diable, et moi qui de mon naturel suis assez incrédule pour douter de son existence, je vais le mettre dans un oubli éternel.
J'espère d'avoir le plaisir de vous voir demain, et de vous assurer de vive voix de la parfaite estime avec laquelle je suis, etc.
a Voyez t. VIII, p. 133 et 277.