<470>Je conviens de l'excellence de la doctrine qui nous conduit à l'admiration de Dieu et de ses perfections; je conviens qu'elle sanctifie, pour ainsi dire, les vertus morales, en nous enseignant les moyens d'en combiner la pratique avec celle des lois divines. Mais, quelque excellente qu'elle soit, elle n'est pas l'effet de notre morale; elle n'en est qu'une espèce d'accessoire, qui hausse, à la vérité, le prix des vertus morales, mais qui ne déroge pas à leur valeur intrinsèque ou naturelle. Il en est, ce me semble, comme d'une bague d'or enrichie de beaux brillants. Les brillants, joints au métal dans lequel ils sont enchâssés, la font vendre plus cher que si elle était tout unie; mais ils n'ôtent rien au prix naturel de l'or dont elle est fabriquée.
J'accorderai volontiers à Rollin qu'il y avait beaucoup de faux brillants parmi les vertus des anciens païens; mais celles que nous pratiquons, ou, comme V. A. R. dit parfaitement bien, que nous devrions pratiquer, ne sont-elles pas sujettes au même inconvénient? Je me souviens d'avoir autrefois lu un livre qui a pour titre : La fausseté des vertus humaines, et qui prouve palpablement, non que celles des païens étaient plus fausses que les nôtres, mais que la plupart de celles que les hommes, soit païens, ou chrétiens, pratiquent communément ne sont souvent qu'un composé de vices différents, ou, pour parler plus juste, que la plupart de nos actions soi-disant vertueuses ne sont telles qu'en apparence, et que, étant souvent fondées dans des principes pernicieux, elles cessent d'être vertueuses dès qu'on en approfondit les véritables sources et le motif.
Qu'il me soit permis de faire quelques réflexions sur les exemples par lesquels V. A. R. se donne la peine d'éclaircir la thèse de Rollin.
1o Elle semble disputer à Socrate le titre de vertueux, parce qu'il avait, dit-elle, des sentiments fort vicieux pour le jeune Alcibiade.
Je pourrais répondre à cela : a) que ces sentiments insensés n'étaient pas regardés de si mauvais œil dans ces siècles-là, mais surtout en Grèce, qu'ils l'ont été depuis; b) que les lois d'Athènes les défendaient,