<474>dérant que selon les circonstances que V. A. R. me fait la grâce de m'en raconter, je suis en doute si le mérite d'avoir sauvé un honnête homme injustement accusé est quelque chose de si extraordinaire, qu'il faille l'attribuer, je ne dirai pas au christianisme, mais à quelque vertu héroïque; car, pour en raisonner avec la liberté d'un Quinze-Vingt, il me semble que Charles VI (supposé qu'il le fît avec connaissance de cause) ne fit que ce que tout prince raisonnable, et qui craint de passer pour injuste, aurait fait à sa place. Il souffrit qu'on exposât la vérité, et il relâcha un prisonnier injustement arrêté. V. A. R. trouverait-elle qu'il ait fait par là le moindre pas au delà des devoirs que le bon sens et la morale la plus ordinaire prescrivent également à un grand prince et au moindre magistrat? Que si le mérite principal de l'aventure doit être attribué à Clisson, j'avoue que ce qu'il fit pour La Rivière était fort généreux et louable; mais il n'y a pas d'honnête homme au monde qui puisse balancer d'en faire autant dans une occasion pareille. Clisson étant apparemment homme de bien, cette qualité elle seule l'obligeait à prendre le parti d'un homme injustement persécuté. Je dirai plus : étant sans doute des amis de La Rivière, et lui ayant des obligations réelles, il se serait rendu infâme, s'il avait fait la moindre difficulté de s'intéresser pour son ami et pour son bienfaiteur. En un mot, que j'examine cette aventure, soit du côté de Charles VI, soit du côté de Clisson, je n'y trouve rien d'extraordinaire. Il faudrait que l'un eût été un monstre indigne de régner, et l'autre un scélérat indigne de vivre, s'ils avaient manqué de faire ce qu'ils firent.
7o Je n'ignore pas le caractère de Catinat; il a souvent donné des preuves de son génie supérieur, de sa valeur et de sa sagesse. Mais il me paraît indécis si le fait que V. A. R. semble trouver si digne d'admiration était principalement l'effet de sa modération, de sa sagesse naturelle, ou de l'obéissance qu'il devait aux ordres absolus d'un maître aussi despotique que Louis XIV. On n'a pas besoin d'un mé-