14. AU COMTE DE MANTEUFFEL.
Ruppin, 20 mars 1736.
Mon cher Quinze-Vingt,
Je croyais hier ne vous devoir qu'une réponse; mais votre assiduité à me marquer votre attention ne se lassant pas, j'ai le plaisir de répondre à deux de vos lettres à la fois. Il ne me restait de la précédente que l'article de saint Paul, duquel je vous prie de ne faire aucune ouverture à M. Beausobre, de peur que je me voie hérésiarchisé sans y avoir pensé.
Je crois qu'il prêcherait très-bien sur cette matière; mais comme il n'y est pas plus savant qu'aucun de nous, il ne satisferait pas ma curiosité. Saint Paul s'avise mal à propos de nous faire le commencement d'une description très-miraculeuse. Lorsqu'il croit avoir poussé la curiosité du lecteur à son comble, il finit comme certain sonnet de Scarron :
Sur ce superbe mont jusqu'aux cieux élevé, Pour vous dire la chose en homme véritable, Il ne m'est, sur mon Dieu, jamais rien arrivé.a
Tout ce que M. Beausobre pourrait faire, ce serait de deviner ce que saint Paul a vu. Non, j'aimerais mieux l'entendre prêcher sur une autre matière, où la révélation lui fournira des réflexions plus solides. La nécessité du jugement futur, par exemple, lui en fournirait. C'est une telle matière qui lui donnerait occasion de déployer son ... et son éloquence, et le fruit que l'on tirerait d'un pareil sermon serait plus solide que celui de satisfaire une simple curiosité.
J'en viens à votre seconde, qui m'a fait rougir plus d'une fois, et qui me fait connaître, mon cher Quinze-Vingt, que, malgré toute la
a Œuvres de Scarron, Paris, 1752, petit in-8, p. 69, Sonnet, commençant par les mots : « Un mont tout hérissé, etc. »