<490> pas lui-même d'être attentif à sa santé, et je réponds encore une fois qu'il ne démentira pas son fatidique Quinze-Vingt. Je reviens au jeune Denys.
Ce jeune homme était fils d'un père dont il avait hérité le nom et les vices, et neveu du fameux Dion. Celui-ci, qui joignait à un génie supérieur un esprit cultivé par les leçons de Platon et un amour extrême pour la vertu, eût fort souhaité de faire de son neveu un prince sage et vertueux. Il ne laissa pas échapper d'occasion où il croyait lui pouvoir donner des avis salutaires. Remarquant qu'ils faisaient peu d'impression, il s'en attribua la faute à lui-même et à certain air austère qui lui était naturel, et duquel il n'avait jamais pu se défaire, quoique ses amis, mais surtout Platon, lui eussent souvent conseillé de s'en corriger. Il en écrivit à Platon, dont la sagesse était accompagnée de plus de douceur et de politesse que la sienne. Il le pria avec tant d'instances de venir l'aider à former le jeune Denys, que ce philosophe y consentit.
Arrivé à Syracuse, Platon y fut d'abord reçu avec des distinctions extraordinaires. Le jeune homme, qui ne manquait pas d'esprit, parut charmé des premières conversations de ce grand homme, et tout résolu d'épouser les principes et la morale qu'il l'entendait débiter. Il eût apparemment exécuté cette résolution, si les qualités de son cœur avaient répondu à celles de son esprit. Malheureusement pour lui et pour ses peuples, il écouta plus ses flatteurs que ses amis. Platon s'aperçut bientôt que Denys ne faisait qu'affecter de le gracieuser, et qu'il se moquait en secret de lui et de ses conseils. Jugeant par là que toutes ses peines seraient perdues, il retourna à Athènes.
Rien ne marque mieux les caractères d'esprit de Denys et de Platon que leur manière de se séparer. Informé du dessein de Platon, Denys fit semblant de n'y consentir qu'à regret. Il affecta même, après que Platon eut déclaré son intention de partir, il affecta de redoubler le bon accueil qu'il lui avait fait, faisant cependant préparer une escadre magnifique pour le renvoyer avec toutes les apparences de satisfaction. Le philosophe ne fut pas la dupe de cette affectation. Le jour du départ étant arrivé, le prince lui demanda, en l'embrassant, ce qu'il dirait de lui à son retour à Athènes. « Aux dieux ne plaise, répondit l'autre, que la disette des matières de conversation y soit assez grande pour qu'on soit réduit à parler de vous! » Enfin, Platon partit, peu satisfait de Denys et de ses duplicités.
Dion, par la même raison, le suivit de près, et Denys, abandonné à lui-même, poussa ses injustices, ses rapines, ses cruautés à un tel excès, que, tous ses sujets s'étant révoltés contre lui, ce même Dion vint se mettre à leur tête, chassa son neveu, et remit les Syracusains en liberté.
4o La contenance que saint Étienne montra en mourant était sans doute,