<51>J'accepte avec plaisir l'espérance que vous me donnez de venir passer quelques mois de l'année prochaine chez moi. Si je le puis, j'effacerai de votre esprit les idées tristes et mélancoliques qu'un événement funeste y a fait naître. Nous philosopherons ensemble sur le néant de la vie, sur la philosophiea des hommes, sur la vanité du stoïcisme et de tout notre être. Voilà des matières intarissables, et de quoi composer plusieurs in-folio. Faites, je vous prie, cependant tous les efforts dont vous serez capable pour qu'un excès de douleur n'altère point votre santé; je m'y intéresse trop pour le supporter avec indifférence.b
Sur ce, etc.
172. DE D'ALEMBERT.
Paris, 15 août 1776.
Sire,
Mon âme et ma plume n'ont point d'expressions pour témoigner à V. M. la tendre et profonde reconnaissance dont m'a pénétré la lettre qu'elle a daigné m'écrire, lettre si pleine de vérité et d'intérêt, de sentiment et de raison tout ensemble, enfin, Sire, permettez-moi cette expression, si remplie même d'amitié; car pourquoi n'oserais-je employer avec un grand roi le mot qui rend ce grand roi si cher à mon cœur? Je n'aurais pas tardé un moment à répondre à cette nouvelle marque, si touchante pour moi, des bontés dont V. M. m'honore, et à lui réitérer plus vivement que jamais l'expression des
a Sur la folie. (Variante des Œuvres posthumes de d'Alembert, Paris, Charles Pougens, t. I, p. 329.) La traduction allemande des Œuvres posthumes de Frédéric, Berlin, 1789, t. XI, p. 214, porte : über die Thorheit.
b Voyez t. XXIII, p. 437.