<514>Que V. A. R. juge, s'il lui plaît, par ce récit peut-être trop long, mais très-fidèle, si le défunt ne péchait que par tempérament, et s'il ne fallait pas qu'il eût l'âme aussi noire qu'il est possible de l'avoir, pour tenir à mon égard et à l'égard de tant d'autres, et de son maître même, la conduite qu'il a tenue. Sa noirceur était d'autant plus dangereuse, qu'il la cachait sous les apparences du monde les plus séduisantes. Il avait de l'esprit, de l'acquis, des manières insinuantes; il parlait, il écrivait il ne se peut pas mieux; en un mot, il ne lui manquait que d'avoir le cœur d'un honnête homme, et d'avoir quelque religion.
Ce que j'en dis, je le dis certainement avec connaissance de cause, et sans le moindre reste d'inimitié ou de rancune. Je suis si éloigné d'en conserver pour lui, que je suis persuadé, comme je l'ai toujours été, que, en l'encoffrant la dernière fois, on lui a fait une injustice criante, et que j'ai écrit plus de dix lettres depuis la nouvelle de sa pendaison volontaire, pour empêcher qu'on n'exerce encore quelque nouvelle dureté contre son cadavre, lequel est encore dans la même attitude où le défunt l'a mis lui-même en se donnant la mort, c'est-à-dire, pendu à la muraille de la prison, la régence de Saxe n'y ayant pas voulu faire toucher sans un ordre exprès de Varsovie.
5o Quant à ce que V. A. R. dit, qu'elle est persuadée que Hoym croyait l'immortalité de l'âme, quoique mes sentiments doivent respect aux vôtres, je suis persuadé de tout le contraire, et je gagerais bien que V. A. R. elle-même me donnera raison quand elle aura consulté Wolff sur la description qu'il fait des passions et du cœur de l'homme. Mais qu'à cela ne tienne; je suis plus que charmé de voir V. A. R. faire l'apologie d'un homme qu'elle a cru digne de ses bonnes grâces, et que j'ai cru moi-même, pendant près de dix ans, très-digne de toute mon amitié.
6o Pour ce qui est enfin du feu prince Eugène, il serait sans doute mort plus honorablement, s'il s'était fait tuer dans quelque action