<532> où il était venu dîner en revenant de Potsdam, mais aussi confidemment de Münchow, qui en a eu pareillement les mêmes nouvelles.
Je n'attendrai pas le départ de Jordan pour vous confier, monseigneur, un petit avis secret qui me fut donné il y a près de huit jours. Je vais vous dire d'abord, et tout naïvement, en quoi il consiste, persuadé que je suis que V. A. R., tant pour ne pas causer des tracasseries à son pauvre Quinze-Vingt que pour ne pas s'en attirer à elle-même, n'en fera rien remarquer à qui que ce soit, sans exception. Qu'elle ait la bonté de jeter les yeux sur le ci-joint papier allemand, qui est la copie dudit avis anonyme qu'on m'a apporté, sans que je puisse deviner à qui j'en ai l'obligation, et qu'elle ait la bonté de le jeter au feu, aussi bien que la présente lettre, après qu'elle en aura fait la lecture. Qu'elle ne fasse pas d'ailleurs, je l'en supplie, mauvaise mine à l'officier en question;a cela ne ferait que l'intimider et que l'animer à la continuation de ces sortes de balivernes, qui tombent ordinairement dans le néant lorsqu'on affecte de les ignorer, en allant toujours son chemin. Un jour viendra que V. A. R. pourra lui demander le souffleur de ses ridicules raisonnements, qui ne sont certainement pas de son cru, mais de celui de quelqu'un (Dieu sait qui c'est) qui voudrait apparemment desservir le pauvre Quinze-Vingt, tant ailleurs qu'auprès de V. A. R. elle-même. Qui que ce puisse être, je lui pardonne de bon cœur ses louables intentions, et je lui dirai ce que répondit un jour Socrate à ses amis, qui lui reprochaient qu'il ne ressentait pas un coup de poing dont un homme de rien venait de le frapper dans une foule. « Eh! si un âne, dit-il, me donnait un coup de pied, voudriez-vous que j'allasse pour cela me battre contre lui? » Que V. A. R. me conserve la même bonté dont je me flatte qu'elle m'honore jusqu'à présent, et je me gausserai de tout le reste, toute mon ambition se bornant à vous convaincre,
a Le lieutenant-colonel de Bredow.