<6>M. de Voltaire vient de m'envoyer une tragédie de Don Pèdre où il y a encore des tirades et même des scènes entières dignes de lui. Il a mis à la suite un Éloge de la Raison qui est, à mon avis, une des choses les plus charmantes qu'il ait faites. J'imagine qu'il l'aura envoyé à V. M.a A quatre-vingts ans, quel homme! Mais ce qui l'occupe surtout, c'est l'atroce et ridicule affaire du jeune homme auquel V. M. s'intéresse, et qui m'en paraît bien digne par tout ce que M. de Voltaire m'écrit de son caractère et de son application. Un très-grand nombre d'honnêtes gens sont actuellement occupés de cette affaire abominable, qui rend nos Velches des juges aussi odieux que méprisables; V. M. doit bien compter sur mon zèle et sur tout ce qui dépendra de moi pour laver l'affront dont nous sommes couverts par cet infâme jugement.

Notre jeune roi continue à se faire aimer, à vouloir le bien, enfin à nous donner les plus heureuses espérances. On ne cite de lui que des actions honnêtes, et des mots pleins de sens et de raison. Il a pris pour ministres des hommes très-vertueux, et surtout un contrôleur général qui rétablira nos finances, si la cupidité, l'envie, la calomnie, veulent bien le laisser faire.

Je suis très-affligé de l'état du pauvre M. de Catt, dont les services doivent d'autant plus manquer à V. M., que je connais la tendre vénération qu'il a pour elle.

M. Tassaert est enchanté d'entrer au service de V. M. Il voudrait déjà être à Berlin; il y serait resté, sans quelques affaires indispensables qu'il lui faut terminer en France, et il est bien décidé à se rendre aux pieds de V. M., selon la promesse qu'il lui en a faite, à la fin de juillet au plus tard. Je crois pouvoir assurer à V. M. qu'elle sera très-contente de sa capacité, de son travail et de son caractère, et qu'elle le trouvera plus sage et plus honnête que la plupart des artistes français dont elle a eu lieu d'être si peu contente. Pour rendre


a Voyez t. XXIII, p. 348.