<71> passe actuellement dans ce malheureux pays, de la procession solennelle et brillante que l'inquisition vient de faire à Cadix, des acclamations du peuple, qui, prosterné à genoux dans les rues pendant cette belle cérémonie, criait : Viva la fè di Dios! du gouvernement qui la souffre, de la publication que les inquisiteurs ont osé faire des bulles de Paul IV et de Pie V, qui déclarent que tout le monde sera soumis à l'inquisition, sans excepter le souverain, du roi d'Espagne, qui permet cette insolence, qui même, dit-on, l'autorise? On assure que ce tribunal exécrable reprend toute sa vigueur et toute son activité, et qu'un seigneur espagnola très-considérable est déjà condamné, par grâce spéciale, à une prison perpétuelle, pour avoir fait défricher par des familles hérétiques qu'il a appelées d'Allemagne plusieurs cantons de son malheureux pays. Voilà bien, Sire, de quoi augmenter la mélancolie que Voltaire vous montre dans ses lettres. Cette affliction a d'ailleurs une autre cause. On a imprimé, je ne sais comment, et je ne sais où, un ouvrage assez curieux, intitulé : La Bible enfin expliquée et commentée par plusieurs aumôniers de Sa Majesté le roi de P. Vous devinez, Sire, qui est ce roi-là. On s'est avisé, je ne sais pourquoi, de croire et de dire que Voltaire était le sacristain de ces aumôniers,b et on ajoute que nosseigneurs du parlement, gens aussi éclairés que la Sainte-Hermandad, et qui n'aiment pas que la Bible soit expliquée par des hérétiques, veulent brûler solennellement cette explication, qui n'en sera pas meilleure, et sont assez malintentionnés pour le sacristain, qui pourtant est bien bon de les craindre. V. M. ne pourrait-elle pas lui rendre le service de faire dire par son ministre au premier président et aux gens du Roi que cet ouvrage maudit est en effet celui de ses aumôniers, qui se sont amusés à cette
a Don Pablo Olavidez.
b Voltaire est en effet l'auteur de la Bible enfin expliquée, qui se trouve dans ses Œuvres. édit. Beuchot, t. XLIX. Voyez la lettre de Frédéric à Voltaire, du 22 octobre 1776, t. XXIII, p. 433 de notre édition.