<105>Pour une courte lettre, je vous en écris une fort longue; mais je suis trop paresseux pour l'abréger, et je vous prie de m'en pardonner l'ennui en faveur de la tendresse et de tous les sentiments avec lesquels je suis, etc.
Mes amitiés à Amélie.
9. AU MÊME.
Potsdam, 11 septembre 1746.
Mon cher frère,
Je ne m'étonne point que vous préfériez, à votre âge, la guerre réelle à celle que l'on fait dans son cabinet. Pour moi, je suis à présent pour cette dernière. L'autre nous coûte trop d'amis, trop de sang; elle est, à la longue, fatale à la partie victorieuse même, sans compter que l'on peut de sang-froid entendre décider sur le prince de Lorraine et sur le comte de Saxe, et que notre amour-propre n'a pas la même docilité sur les décisions qui nous regardent. J'ai fait la guerre avec des risques horribles pour l'État; j'ai vu ma réputation chanceler et se raffermir;a enfin, après avoir couru tant de hasards, je chéris les moments où je puis respirer. Quand on a la gloire de l'armée à cœur, on ne peut faire la guerre sans avoir l'esprit agité continuellement. L'on veut parer à tous les inconvénients, éviter jusqu'au moindre échec, et dérober par la prudence tout ce que l'on peut à la fortune. La vigilance et la capacité d'un homme ne suffisent pas pour embrasser des objets si étendus et si différents, et, après tout, on ne fait la guerre que pour parvenir à la paix. Le prince
a Voyez t. III, p. 121 et suivantes, et ci-dessus, p. 83.