14. AU PRINCE DE PRUSSE.
(Potsdam) ce 20 (février 1747).
Mon cher frère,
La fièvre m'a empêché de vous écrire ce matin; mais comme elle est passée à présent, j'en profite pour vous adresser ces vers que Voltaire fit pour Henri IV, prince que je puis vous comparer d'autant mieux, qu'il avait toutes vos qualités; il était aussi brave, aussi vertueux, et aussi .... que vous.
Ce héros vertueux se cachait à lui-même
Que la mort de son roi lui donne un diadème.a
Je vais mon chemin comme je le puis, tantôt fiévreux, et tantôt jouissant de quelque santé. Les experts disent qu'il faut que tout soit ainsi pour le plus grand bien de mon âme; je veux le croire; cependant je me serais bien passé de l'apoplexieb et de la fièvre. Pour cette fois-ci, je crois être réchappé de l'empire de Pluton; mais j'étais au dernier gîte du Styx, j'entendais déjà aboyer Cerbère, et j'apercevais déjà le vieux nocher des morts et sa barque fatale. Toutefois je vis encore, et je vis pour vous aimer et vous prouver en toute occasion combien je suis tendrement et avec une parfaite estime, etc.
a Henriade, chant V, v. 349 et 350.
b Voyez t. I, p. XLI; t. XXII, p. 186; t. XXIII, p. 403