91. AU MÊME.
Meissen, 12 novembre 1760.
Mon très-cher frère,
Je viens de recevoir la lettre que vous m'avez faite du 8 de ce mois. Attaché comme je vous connais à mes intérêts, ainsi qu'à ceux de l'État, je suis parfaitement persuadé de la part sincère que vous prenez à l'avantage considérable que j'ai remporté en dernier lieu sur la grande armée des Autrichiens sous Daun. Il est vrai, je vous l'avoue, que dans la lettre que je vous avais faite précédemment, j'avais un peu grossi le nombre de ce que l'ennemi avait perdu à cette occasion, quand je l'avais mis à vingt-cinq mille hommes. Ce n'était point pour vous en imposer; mais comme les chemins de Glogau étaient alors mal sûrs encore par les partis russes, j'avais mis ce nombre exprès, pour que, au cas que cette lettre tombât entre les mains de l'ennemi, il en fût d'autant plus frappé. Mais sur quoi vous pouvez compter sûrement quant au nombre, c'est au delà de vingt mille hommes que les Autrichiens ont perdus à cette journée, inclusivement treize généraux, qui sont morts, blessés ou pris prisonniers. Outre cela, nous avons d'eux actuellement cinquante canons, parmi lesquels il y a un grand mortier et trois obusiers, et le nombre de leurs officiers prisonniers va effectivement à présent à deux cent trente-cinq, inclusivement quatre généraux et au delà de six mille bas officiers et soldats de pris. A mon approche à Meissen, ils en ont d'abord retiré leur garnison, tout comme ils l'avaient fait à Torgau. Daun, qui avait pris sa retraite au delà de l'Elbe, où il s'est joint à Beck, a repassé l'Elbe de ce côté-ci, à Dresde, où ils campent derrière le Grand-Jardin, et il n'y a qu'un petit corps qui campe encore au Plauenschen Grund. J'ai avancé mes postes jusqu'en avant de Wilsdruf. J'ai fait canonner, l'autre jour, ce qu'il y avait de l'ennemi au Plauenschen