<388> pourra seconder cette négociation, et personne ne pourra y intervenir pour croiser l'acheminement de la paix. Pour ce que le comte Panin vous a dit de la cour de Vienne, je crois que cela est absolument impraticable, par les liaisons intimes qui subsistent entre l'Impératrice et la France, liaisons auxquelles la cour de Vienne est aveuglément attachée, parce que la France lui garantit le dos en Italie et son flanc gauche en Flandre, et lui donne la faculté de se servir de toutes ses forces contre moi quand bon lui semblera. Cela étant, on ne déterminera du grand jamais Kaunitz à rompre avec les Turcs, alliés de la France, et à partager le gâteau avec les Russes; et il faut même n'y point penser, mais plutôt se rappeler que l'Impératrice ne peut continuer la guerre sans passer le Rubicon, et qu'en ce cas ce serait allumer un incendie dont Dieu sait quelle serait la fin. J'en reviens donc à mon sentiment : la paix, la paix la plus prompte que possible, en ne proposant pas des conditions intolérables et trop humiliantes aux Turcs. Je suis persuadé que l'Impératrice parviendra à la faire; les insinuations des Français, mon cher frère, perdent toute leur force dans la situation désespérée où se trouvent les Turcs. Ils feront sûrement la paix, et volontiers; ainsi j'espère que tout se pacifiera cet hiver, et que l'Europe pourra être tranquille, autant que le permettra Choiseul.
Je vous rends grâces des soins que vous vous êtes donnés pour ma sœur de Suède. Je vous en ai autant d'obligation que si vous aviez travaillé pour moi-même. Au reste, j'abandonne absolument à votre discernement et à votre jugement le temps que vous passerez à Pétersbourg; car, mon cher frère, vous êtes sur les lieux, et mieux que moi en état de voir ce qui est convenable, et quel parti il vous convient de prendre.