238. AU MÊME.
Le 12 juin 1772.
Mon cher frère,
Je suis bien aise d'apprendre par votre lettre, mon cher frère, que vous jouissiez à Rheinsberg d'une parfaite santé. Comme vous vous préparez à y recevoir notre sœur la Reine,a je prends la liberté de vous envoyer une petite provision de verdée de Florence, dont je vous prie de la régaler pendant son séjour qu'elle fera chez vous. J'ai en même temps pensé à vos finances, et Buchholtz,b mon cher frère, a ordre de vous payer quarante mille écus;c vous aurez la bonté de lui indiquer où et comment vous voulez recevoir cette somme. J'ai vu cette Prusse que je tiens en quelque façon de vos mains; c'est une très-bonne acquisition et très-avantageuse, tant pour la situation politique de l'État que pour les finances; mais pour avoir moins de jaloux, je dis à qui veut l'entendre que je n'ai vu sur tout mon passage que du sable, des sapins, de la bruyère et des juifs. Il est vrai que ce morceau me prépare bien de l'ouvrage, car je crois le Canada tout aussi policé que cette Pomérellie. Point d'ordre, point d'arrangement; les villes y sont dans un état déplorable. Par exemple, Culm doit contenir huit cents maisons; il n'y en a pas cent sur pied, et ceux qui les habitent sont ou juifs, ou moines, et encore y en a-t-il de plus chétives. Quant à l'armée, j'ai trouvé toute la cavalerie de ce pays-là, à peu de chose près, égale à la nôtre; quant à l'infanterie, les régiments de garnison de cette province valent sûrement les régiments de campagne; ces derniers sont plus grands que ceux de Berlin. Mais
a La reine de Suède. Voyez t. IX, p. X, art. XIII, et p. 206 et 207; t. XIII, p. 86 et 91.
b Voyez t. XX, p. 141.
c Le Roi parle ci-dessus, p. 301, de la donation qu'il avait faite à son frère après la victoire de Freyberg.