<558> entre dans le monde; son imagination l'éblouit, et il n'a pas assez d'expérience pour l'éclairer. Mais quand on a fourni un long bout de sa carrière, on sera obligé de convenir avec moi que ces tristes vérités ne sont que trop vraies.
Je me prépare à me rendre le 25 à Berlin, où j'espère, mon cher frère, d'avoir le plaisir de vous embrasser et de vous assurer de vive voix de la tendresse infinie et de l'estime avec laquelle je suis, etc.
371. AU MÊME.
Le 3 octobre 1782.
Mon très-cher frère,
Je vous confesse, mon cher frère, que, quelque peine que je me sois donnée pour parvenir à l'impassibilité des stoïciens, jamais je n'ai pu y atteindre. J'aime ma patrie, mes parents et mes amis; quand il leura arrive du mal, j'y suis sensible, je partage avec eux leur infortune; la nature m'a fait tel, et je ne saurais me changer. Je crois me corroborer par la lecture de Marc-Aurèle et d'autres philosophes; mais je ne tarde pas à m'apercevoir que le proverbe, tout trivial qu'il est, n'en est pas moins vrai : Chasse la nature par la porte, elle rentrera par la fenêtre. Ajoutez que l'âge, qui diminue les forces du corps et de l'esprit, rend les vieillards plus timides et plus circonspects, et plus sujets aux appréhensions. Tout cela peut contribuer, mon cher frère, aux pronostics que je tire de l'avenir. Ajoutez à cela qu'il n'est point donné à la prudence humaine de prévoir les différentes tournures que les événements peuvent prendre, et qu'ainsi il faut attendre que l'avenir débrouille les choses obscures, pour
a Le mot leur manque dans l'autographe.