404. AU MÊME.
Le 6 février 1786.
Mon très-cher frère,
Depuis le temps que je n'ai pas eu la satisfaction de vous écrire, j'ai souffert comme un damné de l'asthme, qui empire chez moi journellement. Le médecin,a qui se mêle un peu de sorcellerie, m'a endiablé aujourd'hui par un démon nommé assa fœtida, qui, par le moyen d'une canule, m'est entré au ventre, et fait rage dans les boyaux. On dit que le diable est l'ennemi juré de mon mal, et qu'ainsi, à coup sûr, s'il l'emporte, je serai possédé par lui, ou, s'il perd sa cause, je continuerai d'étouffer sans cesse, jusqu'au moment qui terminera mes souffrances. S'il fallait choisir entre ces rivaux qui se disputent pour l'honneur de m'asservir, j'avoue que je préférerais le démon, car le drôle a de l'esprit, il a séduit notre première mère et bien d'autres; au lieu que l'asthme est un bourreau impitoyable qui vous étouffe sans cesse, et ne vous achève jamais. Voilà, mon cher frère, le tableau de ma chétive existence, et il me faudra passer encore quelques jours dans l'incertitude pour juger lequel de ces deux héros, en expulsant son rival, s'assurera de ma conquête. Je ne manquerai pas de vous en rendre compte, vous priant de compter sur toute ma tendresse, comme sur toute mon estime, étant, etc.
a C.-G. Selle. Voyez son ouvrage ci-dessus cité, p. 24..