<VII> réunion où la femme de Frédéric fut invitée sur sa demande expresse.a Enfin, chaque année, depuis 1746, le Roi faisait donner un opéra le 27 mars, anniversaire de la naissance de sa mère, qu'il considérait comme la principale fête de la maison royale. C'est par toutes ces attentions aussi tendres que délicates que Frédéric sut embellir la vieillesse de celle qui lui avait donné le jour.
Ses ouvrages littéraires, miroir fidèle de sa vie morale, sont pleins des témoignages les plus touchants de la vénération et de l'affection qu'il éprouvait pour la Reine sa mère.b La conduite de la famille royale, celle des courtisans, les lettres même de Voltaire,c étaient le reflet de la piété filiale du monarque. Ce sentiment ne perdit rien de son énergie avec les années. Une lettre écrite par Frédéric à son frère le prince Ferdinand, le 3 mai 1782, exprime sa volonté de conserver dans son ancien étatd le château de Monbijou, que la reine Sophie avait bâti, et qu'elle habitait préférablement à toute autre résidence.e Enfin, sur son ordre exprès du 20 avril 1763, les dames d'honneur de la reine défunte conservèrent à la cour et partout le rang qu'elles avaient eu du vivant de cette princesse.f
On peut comprendre, d'après ce qui précède, la douleur que dut causer à Frédéric la mort de sa mère, qui lui fut annoncée par la Reine sa femme dans une lettre reçue le 1er juillet, vers sept heures du soir. Les Memoirs and papers of Sir Andrew Mitchell renferment, t. I, p. 356-359, une description saisissante de l'impression que cet événement produisit sur le Roi. Il n'avait pas revu la Reine-mère depuis le séjour qu'il avait fait à Berlin du 4 au 12 janvier 1757. La douleur profonde à laquelle il était en proie, ainsi que toute la famille royale, est dépeinte avec vérité dans le journal de l'aide de camp du prince Henri, comte Henckel de Donnersmarck (Militärischer Nachlass des General-Lieutenants Grafen Henckel von Donnersmarck, t. I, IIe partie, p. 242, Leitmeritz, 1er et 2 juillet). Mais, sans chercher ailleurs, les lettres du Roi à ses sœurs Amélie et Wilhelmine, du 1er et du 5 juillet, expriment de la manière la plus vive et la plus naturelle l'affliction dans laquelle le plongea cette perte irréparable.
a Voyez Hahnke, Elisabeth Christine, p. 112, et ci-dessous, p. 29, no 40.
b Œuvres, t. IV, p. 207; t. XII, p. 45 et 46; t. XIV, p. 50 et 107; t. XVIII, p. 158 et 160; t. XIX, p. 50; et, indirectement, t. IX, p. 7.
c Voyez t. XXII, p. 58, 171 et 174.
d Voyez ci-dessous, p. 668 et 669, no 83.
e Voyez les Mémoires de la margrave de Baireuth, t. I, p. 41.
f Voyez t. XXV, p. 343, no 6.