<XII> donne une idée très-nette de l'amitié qui unissait les trois frères de Frédéric, et du mécontentement que leur faisait éprouver la guerre de sept ans. Ils ne savaient pas apprécier le génie et le caractère du Roi, et ils considéraient cette guerre, vraiment inévitable, comme devant amener la ruine de la patrie. Le Prince de Prusse s'exprime sans détour à ce sujet dans sa lettre du 5 octobre 1756 au marquis de Valori, ambassadeur de France à Berlin : « Tout ce que vous me dites dénote, dit-il, la conjuration de la perte de notre État. Si cela est résolu dans le livre des destins, nous ne pouvons l'échapper. Si l'on avait demandé mon avis il y a un an, j'aurais conseillé de conserver l'alliance que nous avions contractée depuis seize ans, et qui était naturellement avantageuse; mais si on demande actuellement mon avis, je dirai que, cela ne pouvant plus se faire, nous sommes dans le cas d'un capitaine de vaisseau qui défend son navire le mieux qu'il peut, et quand il ne trouve plus d'autre moyen, plutôt que de se rendre à de honteuses conditions, il met le feu à la sainte-barbe, et il périt avec honneur. Rappelez-vous la lettre que François Ier écrivit à sa mère après la bataille de Pavie; telle doit être celle que le dernier Prussien écrira. Ce seront mes enfants peut-être qui seront les victimes des fautes passées. »a
Notre édition de la correspondance de Frédéric avec le Prince de Prusse renferme soixante-douze lettres, dont cinquante et une du Roi. Nous les tirons des Archives de l'État, qui en conservent les originaux, presque tous autographes. Elles étaient inédites, à l'exception des lettres échangées entre le Roi et le prince à l'occasion du commandement confié à celui-ci en 1757. La Relation que le prince rédigea de son expédition est accompagnée de ces lettres, qui en sont les pièces justificatives. Elles sont au nombre de vingt-trois, dont dix de Frédéric et treize de son frère. Les Archives de l'État conservent le manuscrit original de la Relation, en français et en allemand; les deux textes sont de la main d'un secrétaire. Le texte allemand a été corrigé par le prince, et il est également accompagné d'une traduction allemande des vingt-trois lettres dont nous venons de parler. Cet ouvrage, que le Prince de Prusse semble avoir préparé pour le livrer à l'impression, a paru pour la première fois sous le titre de : Anekdoten zur Erläuterung der Brandenburgischen Geschichte und des letzteren Krieges.b Gedruckt im Jahre 1769
a Voyez les Mémoires de Valori, t. II, p. 204 et 205; et notre t. XVII, p. VI, article V, et p. 347-352.
b C'est sous les noms de la dernière guerre, de la guerre précédente et de la guerre de 1756