<XIX> de la correspondance qui nous occupe; mais l'âme de Frédéric, si sensible à l'amitié, tempère l'aridité du sujet par les épanchements de l'amour fraternel et des affections de famille, sentiments que le patriotisme domine et règle cependant toujours.
Nous avons déjà parlé ailleurs de la souplesse avec laquelle Frédéric sait conformer l'esprit et le ton de ses lettres au caractère particulier des personnes à qui il écrit, de manière que chacune de ses correspondances nous le montre sous un nouveau jour. Dans celle-ci, il nous apparaît infatigable et inépuisable en ressources, comme souverain, comme soldat, comme négociateur et comme homme. On y voit combien son cœur souffre des malheurs de la guerre, ainsi que des rigoureuses extrémités auxquelles il est quelquefois obligé d'avoir recours quand il s'agit de l'honneur et de la puissance de la Prusse, dont il avait à cœur d'assurer l'avenir. Il traite son frère comme son digne compagnon d'armes et comme l'habile associé de ses travaux diplomatiques. Il mêle avec infiniment de tact les éloges que méritent ses succès à des directions aussi sages que réservées sur ses opérations ultérieures. En 1772, par exemple, il déclare franchement que c'est au prince Henri que la Prusse doit ce qui lui est revenu du partage de la Pologne. En tout temps il lui parle sans détour de tout ce qui concerne soit les affaires du pays, soit la famille royale. Ainsi l'on voit dans ses lettres avec quelle sollicitude il s'efforce d'épargner à sa sœur de Baireuth et aux États de cette princesse les souffrances inséparables de la guerre. Il s'exprime au sujet de la mort de sa mère, de son frère, de sa sœur, avec une douleur profonde, mais aussi avec l'élévation qui convient à sa position et à son caractère. Sa grande âme oublie sans effort les petits dissentiments personnels qui survenaient de temps en temps, et il sait toujours s'élever de nouveau aux nobles pensées que lui inspire son désir d'assurer la gloire, le bonheur et la durée perpétuelle de la monarchie prussienne.
On ne connaissait jusqu'à présent que la partie militaire de cette admirable correspondance. Feu M. le général-major Auguste Wagner a publié, dans le Militair-Wochenblatt, Berlin, 1838, nos 42, 44 et 46-52, un choix exquis de soixante-six lettres, toutes de Frédéric, à l'exception de trois qui sont du prince. Elles roulent sur les grandes opérations de la guerre de sept ans. L'ouvrage de M. de Schöning, Der siebenjährige Krieg, en trois volumes, renferme un beaucoup plus grand nombre de lettres et de fragments; on peut même admettre que la totalité des lettres écrites à l'occasion de la guerre de sept ans s'y trouve, à