<XVIII> de son exemplaire de l'Histoire de la guerre de sept ans.a Il faut peut-être chercher la source de cette animosité du prince dans un amour-propre mal satisfait, qui se sentit également blessé à l'avénement de Frédéric-Guillaume II. Le 4 juillet 1791, le prince Henri inaugura dans son jardin de Rheinsberg un monument en l'honneur de son frère Auguste-Guillaume et des officiers qui s'étaient distingués dans les trois guerres de Silésie. On remarque une notable partialité dans le choix des personnages qui y figurent, car il n'y est question ni de Frédéric, ni de quelques-uns de ses amis particuliers, tels que les généraux de Winterfeldt et de La Motte Fouqué.b Ce qui rend l'injustice du prince plus frappante encore, c'est que le Roi ne cessa jusqu'à sa mort d'avoir pour lui tous les égards que méritaient ses éminentes qualités et ses glorieux services.

La correspondance de Frédéric avec le prince Henri, commençant par la lettre de celui-ci, du 12 mai 1735, et continuée jusqu'au vendredi qui précéda la mort du Roi, est un vrai monument historique, aussi honorable pour le monarque que pour le prince. Elle est conservée aux Archives de l'État, et forme cinquante gros volumes manuscrits, dont le dernier renferme un grand nombre de lettres sans date. Les pièces dont cette correspondance se compose sont presque toutes autographes; il y en a beaucoup qui sont chiffrées; mais les minutes de celles-ci sont également de la main des deux illustres correspondants. Les lettres du Roi sont presque toutes écrites sur du papier à tranche dorée. Quoique rédigées pour la plupart fort à la hâte et souvent au milieu des plus vives angoisses, elles intéressent toujours au plus haut degré par les sentiments élevés, les pensées ingénieuses et les jugements justes qu'elles renferment. Ce sont de précieux matériaux de première main pour l'histoire du temps. Le style en est, à la vérité, inégal et fréquemment incorrect; mais il a toujours le mérite de la clarté et souvent celui de l'énergie. Cette correspondance et celle du Roi avec la margrave de Baireuth sont incontestablement les plus intéressantes de celles que le monarque entretint avec sa famille, et elles font reconnaître une fois de plus que dans les relations intimes l'élévation de la pensée se communique comme par reflet. Les opérations militaires de la guerre de sept ans et les négociations politiques qui précédèrent le partage de la Pologne font sans doute l'objet principal


a Cet exemplaire est maintenant conservé aux Archives de la maison royale.

b Voyez Berlinische Nachrichten von Staats- und gelehrten Sachen, 1791, no 81, et le Supplément du no 82.