I. LETTRE DU PRINCE DE PRUSSE A SA SŒUR LA MARGRAVE WILHELMINE DE BAIREUTH.91-a
Berlin, 23 décembre (1744).
Ma très-chère sœur,
Je ne saurais laisser de vous donner de mes nouvelles. Dieu merci, nous sommes heureusement arrivés ici. Le Roi est parti le 21 pour la Silésie; mais ne trouvant pas que sa présence sera si nécessaire qu'il le croyait, il sera le 25 de retour ici.91-b
Les fêtes ont commencé depuis avant-hier, où l'on a représenté l'opéra d'Alexandre et Porus,91-c qui est magnifique, surtout un duo qui est, selon moi, la meilleure pièce de tout l'opéra.
Le Roi a donné un présent à la Reine-mère des plus galants, consistant d'une cassette remplie de mille pistoles, de myrte et d'encens, avec les vers suivants :
Reine, autrefois trois rois portèrent
A l'enfant né qu'ils adorèrent
De l'or, du myrte et de l'encens.
Daignez, de grâce, condescendre
Que je m'émancipe à vous rendre
Au même jour même présent.
Le myrte est cet amour si tendre,
Ces respectueux sentiments
Que j'eus pour vous de tous les temps;
L'encens, ce sont les vœux que j'offre
Au ciel pour prolonger vos ans;
Et le métal au fond du coffre
Est trop heureux, s'il sert à vos amusements.92-a
Je crois vous faire plaisir en vous écrivant de pareilles pièces, car, selon moi, c'est aussi joliment dit qu'il est possible. Je me recommande, chère sœur, dans le précieux ressouvenir de votre amitié, étant jusqu'au dernier souffle de ma vie, avec une amitié sans égale,
Ma très-chère sœur,
Le très-fidèle frère et serviteur,
Guillaume.
91-a Cette lettre est copiée sur l'autographe que nous avons trouvé parmi les originaux des lettres de Frédéric à sa sœur de Baireuth, t. V, no 3, conservés aux Archives de la maison royale.
91-b Voyez t. III, p. 87 et 88.
91-c Alessandro e Poro, paroles de Métastase, musique de Graun. Cet opéra fut représenté le 21 décembre 1744.
92-a Nous avons déjà imprimé ces vers t. XIV, p. 107 et 108; mais nous avons commis une erreur en les datant du 1er janvier 1746, d'après les textes que nous avions alors à notre disposition (l. c., p. VIII, article XX).