281. AU MÊME.
Le 3 août 1777.
Mon très-cher frère,
Voici des nouvelles curieuses que je vous communique, mon cher frère; je les dois à la façon honnête et cordiale de penser du grand-duc. J'ai la confiance en votre discrétion que vous n'en parlerez à personne, ni que vous n'en écrirez à notre sœur la reine de Suède, parce que le grand-duc a exigé le secret. Vous savez si, en considération d'une sœur que j'aime, je n'ai pas eu tous les ménagements pour son fils; mais cette vipère envenimée me pousse enfin à bout, et je ne le regarde plus ni comme mon neveu, ni comme mon parent. Vous avez eu votre part à ses calomnies, et vous trouverez ce qu'il vous impute touchant la Courlande. Heureusement que ses méchancetés n'ont point fait d'effet, et qu'il a découvert lui-même son indigne caractère à une cour où il aurait dû tâcher d'établir l'idée d'une bonne réputation. Quel fonds de méchanceté ne faut-il pas qu'il y ait dans l'âme de ce M. Gustave pour haïr, pour calomnier, pour persécuter des parents qui lui ont fait du bien, et jamais du mal! Cela m'indigne, je vous l'avoue, et principalement parce que cette créature atroce tient de si près à notre famille. Il a dit de même des horreurs au sujet de sa mère au grand-duc, qui l'en a sagement repris, en lui remontrant les devoirs des enfants envers ceux dont ils tiennent la vie. A présent, mon cher frère, je penserai entièrement<452> comme vous au sujet de cet indigne neveu, et je ne le ménagerai pas plus que de raison.
Pour vous dire deux mots de ma santé, vu l'intérêt que vous y daignez prendre, j'ai pris une sorte d'érésipèle à la jambe, qu'on nomme Blatterrose,452-a ce qui encore est fort douloureux. Le chirurgien452-b dit que c'est à merveille. De pareil bonheur ne peut être souhaité qu'à des ennemis. Mais il faut subir son destin. Je suis, etc.
452-a Voyez ci-dessus, p. 49.
452-b Frédéric se faisait alors traiter par les deux chirurgiens-généraux Schmucker et Theden.