94. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
(Baireuth) 21 août 1740.
Mon très-cher frère,
Je ne saurais trouver d'expressions assez fortes pour vous témoigner, mon très-cher frère, à quel point je suis pénétrée de toutes les grâces dont vous m'avez comblée ici. Tout me manque depuis votre départ; il me semble que je suis dans un désert, et je ne trouve de plaisir que de me rappeler toutes vos bontés et les heureux moments que j'ai passés avec un si cher frère, dont l'image est profondément gravée dans mon cœur. Personne n'est informé de la route que vous avez prise, et je fais semblant d'en être tout autant intriguée que les autres. Le margrave d'Ansbach est très-content de vous. Il y a eu encore un petit démêlé le lendemain de votre départ; mais ils sont à présent assez bien rapatriés. Pour les cavaliers de cette cour, ils sont fort estomaqués, et ont fort bien compris le sens de ce que vous leur avez dit. Il semble que cela ait fait impression. Ils partent tous demain, malgré ma pauvre sœur, qui a la rage de rester ici. Le Margrave a l'honneur de vous répondre, mon très-cher frère, sur les gracieuses propositions que vous nous avez faites. Nous attendons l'un et l'autre vos ordres, et vous pouvez bien juger de la joie que j'aurai de vous revoir, qui me fera oublier tout le triste état de nos affaires. La seule chose que je crains est de vous être à charge. Le Margrave va régler ses affaires de manière que la personne que vous nous enverrez ne trouve point d'obstacle. Nous cachons tout ceci à tout le monde. Le Margrave est entièrement résolu de s'en remettre à vos bons avis. Nous vous considérons l'un et l'autre comme un père, et vous méritez bien ce titre par vos manières d'agir envers toute la famille. Je souhaite de tout mon cœur que vous finissiez heureusement votre voyage, et j'espère surtout, mon très-cher frère,