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245. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.

Baireuth, 24 novembre 1752.



Mon très-cher frère,

Mon retour ici, joint au séjour de ma sœur à Erlangen, m'ont privé du bonheur de vous écrire. J'ai trouvé, mon très-cher frère, votre chère lettre à mon arrivée. Les bonnes nouvelles que vous me donnez de votre précieuse santé me comblent de joie. Je suis fort de votre sentiment, mon très-cher frère, et suis persuadée que notre âme est la servante de notre corps. Je le sens tous les jours; mon âme (si j'en ai une) est toujours attachée auprès de vous, et mon misérable corps reste ici sans pouvoir suivre ses directions. Je le maudis sans cesse d'être construit de chair et d'os, et de n'être pas formé comme celui des sylphes, qui se transportent en un instant d'un endroit dans un autre. Il faut que je promène chaque jour ce chétif individu pendant quelques heures, pour avoir ensuite la faculté de penser et de réfléchir. Mais, malgré toutes mes réflexions, je ne sais pas encore ce que je suis. Je remarque pourtant que, lorsque je souffre le plus, je ne ressens aucun mal quand je puis fixer mes pensées sur quelque objet qui mérite de l'application. Il est vrai que ce soulagement n'est que momentané, les ressorts de la machine, affaiblis par la douleur, ne pouvant endurer une longue application; je m'aperçois aussi que souvent je ne vois point un objet qui se présente à ma vue, et je n'entends point un son qui frappe mon oreille; je n'y pense ni n'y fais attention. Je conjecture de là qu'il n'y a que la réflexion qui m'imprime les idées qui me sont rapportées par les sens. Cette conjecture me fait croire quelquefois qu'il y a quelque chose de plus en moi que mon corps; mais j'y trouve, d'un autre côté, tant de contradictions, que j'en reviens à l'autre système. Ne direz-vous pas, mon très-cher frère, que je suis aussi bon philosophe