259. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Le 24 avril 1753.
Mon très-cher frère,
Vous m'avez accablée à la fois de trop de bienfaits et de bontés, pour ne pas me rappeler à la vie. Votre chère lettre, Esculape, Momus, et tant d'assurances que vous me donnez, mon très-cher frère, de votre amitié, seraient capables de me ressusciter, si j'étais au nombre des trépassés. Vous le dirai-je? je n'ai point craint la mort, et j'aurais soutenu mes maux en patience, si l'appréhension d'être privée de votre chère vue ne m'avait jetée dans le désespoir. Colhenius m'a rendu ma tranquillité en m'assurant qu'il me mettrait en état d'aller à Berlin, et de revoir tout ce que j'ai de plus cher au monde et la seule chose qui m'y attache. Que ne vous dois-je point, mon cher frère! Vous me prolongez une vie qui ne vous est d'aucune utilité; vous vous privez de vos plaisirs pour me faire part de vos bienfaits, et vous les accumulez sans cesse. Pour moi, je ne puis que vous aimer. Je voudrais avoir mille cœurs pour pouvoir vous les donner, et encore ne m'acquitterais-je pas de ce que je vous dois. J'ai eu une forte crise le lendemain de l'arrivée de Cothenius. Il m'a fait commencer aujourd'hui une cure d'herbes, après laquelle je prendrai les eaux d'Éger.
J'ai vu aujourd'hui une lettre de Voltaire. Il va à Gotha, où sa nièce va le trouver. Je doute qu'il vienne ici. Il mande cependant qu'il écrira encore de Gotha. Je suppose que peut-être il a dessein de s'établir ici avec sa nièce, ce que je tâcherai d'éluder. Les lettres qu'il a écrites à ses amis ici (qui sont écrites sans défiance, et qu'on ne m'a montrées qu'après de fortes instances) sont fort respectueuses sur votre sujet. Il vous donne le juste titre de grand homme. Il se plaint de la préférence que vous avez donnée à Maupertuis, et de la