<310>rais que cette flûte vous pût faire plaisir, je l'en aimerais davantage; mais, ma chère sœur, une musique de dilettantea ne peut guère flatter des oreilles aussi savantes que les vôtres. Vous avez trop de bonté de permettre que Stefanino, au lieu de chanter ailleurs, chante ici lorsque vous n'en avez pas besoin; comme vos opéras sont l'été, et les nôtres en hiver, je crois qu'il pourra faire face à tous les deux; je le tiens pour le meilleur chanteur qu'il y ait à présent en Europe.

Je suis charmé de vous savoir à présent dans la Jérusalem nouvelle,b et j'espère que vous y serez plus commodément que dans l'ancienne. Je n'ai vu cette habitation que de loin; mais je ne l'ai pas moins considérée que comme un sanctuaire qui servirait de réceptacle à ma divinité. Vous avez trop de bonté de vouloir instruire mon ignorance, et de me rendre participant de votre voyage de Rome. Je suis sûr que vous rendrez meilleur compte du mont Palatin et de Rome ancienne que beaucoup de cicerone ignorants, et qui ne savent ni ne sauront de toute leur vie autant d'histoire qu'il en tient dans votre petit doigt. Je pars dans deux jours pour les camps de la Silésie. Recevez, de grâce, mes excuses sur le peu de régularité de ma correspondance; mais, ma chère sœur, je suis si prodigieusement chargé de travail dans ces tournées, qu'à peine me reste-t-il un moment pour manger un morceau. Daignez me conserver vos bontés, dont je fais tout le cas qu'Oreste faisait du cœur de Pylade, et soyez persuadée de la tendresse infinie avec laquelle je suis, ma très-chère sœur, etc.


a Voyez t. XXV, p. 195.

b Voyez ci-dessus, p. 251 et 309.