1. DE LA PRINCESSE ULRIQUE.
Berlin, 3 novembre 1743.
Mon très-cher frère,
J'aurais bien de l'avantage, si l'on pouvait lire ce qui se passe an cœur. Votre Majesté verrait dans le mien les sentiments de l'attachement le plus parfait, et à quel point je suis sensible à toutes les marques de bonté qu'elle me témoigne. Mais comme cette faculté n'est réservée qu'aux dieux, j'ai à me plaindre qu'ils m'ont refusé les talents d'exprimer à V. M. ce que je pense à ce sujet; elle me pardonnera, j'espère, les défauts de l'esprit en faveur des sentiments du cœur. M. de Voltaire ne regrettera pas d'avoir commencé une correspondance avec moi, quand il recevra la charmante réponse en versa pour lesquels je ne puis assez remercier V. M. Ce serait donner un terrible échec à son cœur, s'il pouvait croire que j'en fusse l'auteur; mais il a trop de discernement pour ne pas connaître quel est l'Apollon qui m'a inspirée. C'est une consolation pour la marquiseb de ce que je n'oserai pas toujours avoir recours à ce dieu, puisqu'alors elle est sûre de conserver son empire.
Ma joie est extrême de savoir que j'aurai le bonheur de me mettre aux pieds de V. M. mardi prochain. La soirée sera des plus charmantes; chacun s'y emploiera à y être de bonne humeur, et la présence de V. M. sera ce qui y contribuera le plus. La Reine-mère s'en fait une véritable fête; elle m'a fait la grâce de m'en témoigner
a Voyez t. XIV, p. VII et VIII, art. XIX, et p. 104 et 105.
b La marquise du Châtelet. Voyez t. XVII, p. I et II, art. I.