<69>main de s'en prendre à des gens à qui la crainte et le respect ôtent la liberté de se défendre et de se plaindre. De tels discours sont empoisonnés par la dignité de celui qui parle, et par la maligne et flatteuse approbation de ceux qui écoutent, toujours plus empressés à faire les courtisans en condescendant au sentiment du maître qu'attachés à la franchise et à la vérité en défendant l'innocence faussement accusée. Un conflit de raisons différentes a causé l'irritation violente dans laquelle le Roi a été contre moi; j'ai parlé ferme à quelques personnes, j'ai écrit des vérités à d'autres, j'ai menacé celles que j'ai connues capables de timidité, et j'ai, sinon éteint, du moins amorti l'embrasement qui allait s'allumer.
La nouvelle qu'on vous marque au sujet de mon frère n'est point du tout fondée; c'est un bruit de ville, qui doit sa naissance à la tête vide de nos politiqueurs de café. La réconciliation avec l'Angleterre peut y avoir donné lieu; l'imagination a inventé le reste. Mon frère a le meilleur caractère du monde, il a le cœur excellent, l'esprit juste, des sentiments d'honneur et pleins d'humanité; il a la volonté de bien faire, ce qui me fait beaucoup espérer de lui. Sa figure ne dit rien, ses yeux ne savent pas seulement épeler; ses manières sont ingénues plutôt que polies, et dans tout son maintien il y a un certain je ne sais quoi d'embarrassé qui ne prévient pas en sa faveur, mais qui ne trompe point ceux qui préfèrent la solidité du mérite au brillant de l'extérieur. Je l'aime beaucoup, et je ne puis que me louer de l'amitié et de l'attachement qu'il a pour moi. Il me rend tous les petits offices dont il est capable, et me témoigne en toute occasion des sentiments qu'on ne trouve que dans les vrais amis. Vous pouvez compter sur ce que je vous écris de lui; j'écris sans prévention et sans envie ce que tous ceux qui le connaissent particulièrement auront pu remarquer en lui.a
a Voyez t. XXVI, p. x et XI, et le Journal secret au baron de Seckendorff, p. 145.