8. AU MÊME.
Le 5 octobre 1772.
Monsieur mon frère,
Il est naturel de craindre quand on s'intéresse pour des personnes, surtout quand on les voit engagées dans des entreprises dont le danger est éminent; voilà comme j'ai pensé en apprenant la révolution de Suède et toutes les circonstances où se trouvait V. M. Quoique j'admire ses grands talents, je ne lui souhaite jamais de se trouver dans la situation où la fatalité m'avait mis durant la dernière guerre; c'est un souhait à faire à son plus cruel ennemi, et non pas à des parents auxquels leur mérite personnel autant que le sang nous intéresse; et si mes vœux sont exaucés, V. M. jouira d'une longue paix avec ses voisins, dont elle sait mieux que je ne puis le lui dire qu'il y en a qui méritent de sa part les plus grands ménagements. Elle a deux factions dans son royaume, ennemies depuis longtemps les unes des autres. Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour que de les réunir cordialement. Sa prudence commencera cet ouvrage, mais il n'y a que le temps qui puisse le consolider. C'est sur cette réunion des esprits que V. M. peut établir et affermir son règne, et cette entreprise demande de la tranquillité et du repos, de sorte que je suis persuadé que V. M. fermera constamment l'oreille aux insinuations malignes de ceux qui voudraient la brouiller mal à propos avec ses voisins, et qu'elle ne pensera qu'à recueillir tranquillement les fruits des soins qu'elle se donne pour remettre l'ordre et la règle dans son royaume. Comme c'est ce qui contribuera le plus à sa gloire, je serai des premiers à l'applaudir, l'assurant de la haute estime et de la considération avec laquelle je suis, etc.