<295> prince de Bevern le poussa, à la vérité, mais pas avec toute la vigueur que j'aurais désirée; il prit cependant les magasins de Nimbourg, de Suchdol, de Kolin et de Kuttenberg, et poussa M. de Daun jusqu'à Czaslau. Celui-ci reçut beaucoup de renforts, et, sur cette nouvelle, je résolus de resserrer les postes de Prague et de me détacher avec seize bataillons et trente escadrons pour joindre le prince de Bevern. Pendant ces entrefaites, M. de Daun avait à son tour tourné le prince de Bevern, et l'avait obligé de quitter les hauteurs de Kuttenberg; et comme je me trouvais en pleine marche pour le joindre à Kuttenberg, je le vis arriver à Kaurzim, où j'avais pris un camp de passage.
Les critiques objectent à ceci que si j'avais pu renforcer le prince de Bevern de seize bataillons et d'autant d'escadrons, en le faisant du commencement, je l'aurais mieux mis en état d'exécuter ce que j'exigeais de lui, et que certainement il aurait alors chassé Léopold Daun de la Bohême. Je leur réponds qu'ils ont grande raison, mais qu'il m'était impossible de détacher tant de monde du siége de Prague avant que d'avoir occupé des postes plus resserrés; que nous en avions pris quelques-uns l'épée à la main; que, pour s'établir dans d'autres, il fallait remuer beaucoup de terre; que la bataille de Prague avait coûté seize mille morts et blessés, et que l'ouvrage des batteries, les gardes et le travail de terre consumaient tant de monde, que le soldat n'avait que de deux jours un jour de repos; que la prise de Prague était notre objet principal, et que, du commencement, si nous avions envoyé nos forces contre M. de Daun, nous aurions pu manquer l'un et l'autre.
Encore passe, dit-on, que vous n'ayez pas envoyé tant de troupes après Daun; mais pourquoi ne point suivre la règle des grands capitaines, qui ont évité de combattre avec les armées d'observation, et se sont la plupart contentés d'occuper des postes, d'empêcher les secours que l'ennemi pourrait introduire dans la ville assiégée, et de contenir par des mouvements et des marches savantes les entreprises