DU COMTE DE ROTTEMBOURG.a
Paris, 4 décembre 1740.
Sire,
Mon premier soin, en arrivant ici, a été de voir monsieur le cardinal,b pour lui faire part des bontés que Votre Majesté a pour moi de me prendre dans son service. Il a d'abord été étonné du parti que j'ai pris d'abandonner ce pays-ci et un maître qui a toujours eu, à ce qu'il dit, de l'amitié pour moi, de même que lui. Il m'a fait les plus belles protestations du monde de toutes les bonnes intentions qu'il a eues et aurait toujours pour moi. Je lui ai fait sentir mes raisons, que S. E. a trouvées bonnes; elle m'a même promis de les faire goûter au Roi, et qu'il me rendrait tous les services qui dépendront de lui dans ce pays-ci, par rapport à mes affaires pécuniaires. Je suis fort aise, Sire, qu'on ait pris ma démission à cette cour avec autant de douceur; cela épargnera la peine à V. M. d'entrer dans aucun détail ni demande à mon égard.
Pour ce qui regarde ma femme, je trouve mille difficultés, tant en elle que dans sa famille, pour la mener avec moi en Prusse. Elle ne me répond jusqu'à présent que par des soupirs et des pleurs; j'espère cependant qu'elle prendra le parti de me suivre, n'ayant que ce
a Cette lettre appartient à la correspondance de Frédéric avec le comte de Rottembourg (t. XXV, p. XIV et XV, art. V, et p. 567-618). L'autographe en est conservé aux Archives de l'État (F. 94. Fff). Notre t. XXVII. I renferme, p. 232, 233 et 234, d'intéressants détails sur la mort du comte.
b Le cardinal de Fleury. Voyez t. II, p. 8 et suivantes.