<333> qu'on prétend s'y être jeté.a V. M. a fait la part du prêtre bien petite : deux heures par semaine, et un seul sermon pour le dimanche; je pense comme elle que cela est suffisant; je désirerais, de plus, que le sermon roulât uniquement sur la morale, et que la religion leur fût enseignée séparément, sans mêler mal à propos, comme on fait, l'une avec l'autre, parce qu'il arrive trop souvent de ce mélange mal entendu que, en devenant incrédules, ils deviennent malhonnêtes gens; c'est un des grands inconvénients de l'éducation ordinaire.

M. Helvétius m'a appris lui-même son arrivée et l'accueil que V. M. lui a fait. Il ne connaissait que le héros et le grand roi, il connaît à présent le philosophe digne d'être aimé; il a trouvé V. M. au-dessus de sa renommée, et c'est assurément beaucoup dire.

Je ne sais pourquoi V. M. paraît presque honteuse de la poésie dont elle fait son délassement. Elle soupçonne, je le sais, ma philosophie de ne pas aimer les vers. Mais ma philosophie mériterait bien peu ce nom, si elle pensait de la sorte; elle ne connaît point d'écrivains préférables aux excellents poëtes; elle ne méprise que les vers dont l'auteur ne sait ni penser, ni peindre, ni sentir; et c'est assurément, Sire, ce qu'on ne saurait reprocher aux vôtres. Tout est hochet d'ailleurs en ce monde, à commencer par la philosophie; il n'y a de dangereux que les hochets des théologiens, parce qu'ils en font des massues pour assommer les sages; pour ces hochets-là, il faut les arracher, si on peut, à ceux qui s'en servent, les mettre en pièces, et les leur jeter à la tête. C'est ce qu'on a tâché de faire, quoique tout en douceur, dans l'Histoire de la destruction des jésuites, que sans doute V. M. aura reçue; aussi les fanatiques des deux partis, les jansénistes surtout, jettent les hauts cris contre l'auteur; ces animaux-là, qui se font assommer dans leurs greniers pour la gloire de Dieu, trouvent mauvais qu'on leur donne sur les oreilles des coups de plume pour l'honneur de la raison.


a Voyez t. IX, p. 92.