<134>que l'on ne pense; en voici les raisons. D'ordinaire on ne campe tout au plus près qu'à une demi-lieue de l'ennemi; si rien ne sépare les armées, on peut compter qu'elles se battent tout de suite; mais si elles ont des défilés entre elles, ou qu'il y ait un terrain difficile entre les deux armées, comment atteindre celle de l'ennemi? Ce ne pourrait être qu'avec la cavalerie; mais si le terrain par où marche l'ennemi ne convient qu'à l'infanterie, comment ma cavalerie pourra-t-elle agir? C'est donner trop au hasard que d'entamer ces sortes d'expéditions à la légère. Mais si les armées campent à deux ou trois milles les unes des autres, il est impossible de joindre celle de l'ennemi, si elle marche par sa droite ou par sa gauche, à moins que son mouvement ne tende qu'à s'approcher de vous. En ce cas-là, et si vous jugez convenable d'engager une action, vous pouvez marcher à la rencontre de l'ennemi; 1o savoir si ce terrain où il veut camper vous est favorable; 2o partir de nuit pour ne pas arriver trop tard; 3o engager l'affaire sans délai et brusquement. Mais en ce cas, et après cette marche de nuit que vous aurez faite, il vous sera très-difficile de poursuivre cet ennemi, si vous venez à bout de le battre, et la poursuite est plus nécessaire et plus utile que la bataille même.

DE LA POURSUITE.

Il y a trois sortes de poursuites : poursuites de détachements, poursuites d'ailes d'armée, poursuites d'armées entières. Celles de la première espèce doivent se faire avec prudence; surtout, plus le détachement est faible, et plus il doit appréhender des embuscades. Si c'est un corps détaché de l'armée qui poursuit un corps détaché de l'armée ennemie, il doit craindre, s'il le presse trop, qu'il sera secouru de son chef, et par conséquent craindre l'approche de ces secours, qui de victorieux pourraient le rendre vaincu. C'est donc à la prudence