ARTICLE XI. QUAND ET POURQUOI IL FAUT FAIRE DES DÉTACHEMENTS.
C'est une ancienne règle de guerre, et je ne fais que la répéter : si vous séparez vos forces, vous serez battu en détail; si vous voulez livrer bataille, rassemblez le plus de troupes que vous pourrez; on ne saurait les employer plus utilement. Cette règle est si sûre, que tous les généraux qui s'en sont écartés ont presque tous eu lieu de s'en repentir. Le détachement d'Albemarle, qui fut battu à Denain,a perdit toute la campagne du grand Eugène; Starhemberg, séparé des Anglais, perdit en Espagne la bataille de Villaviciosa;b les détachements furent funestes aux Autrichiens pendant les dernières campagnes qu'ils firent en Hongrie; Hildbourghausen fut battu à Banjaluka,c Wallisd reçut un échec aux bords du Timoc; et enfin les Saxons furent battus à Kesselsdorf,e à cause qu'ils n'avaient pas attiré à eux le prince de Lorraine, comme ils le pouvaient faire. J'aurais mérité d'être battu à Soor, si l'habileté de mes généraux et la valeur des troupes ne m'eussent préservé de cette disgrâce. Mais, me dira-t-on, il ne faut donc point détacher? Je réponds qu'il le faut bien quelquefois, mais que c'est une manœuvre très-délicate, qu'il ne faut faire que pour des raisons valables, et encore à propos, et lorsque les circonstances le permettent. Si vous agissez offensivement, ne détachez jamais; si c'est dans un pays ouvert, et que vous êtes maître de quelques places, ne détachez que pour assurer vos
a Voyez t. I, p. 140.
b Le 10 décembre 1710.
c Le 14 août 1737. Voyez t. I, p. 196.
d C'est le maréchal comte de Khevenhüller qui fut battu aux bords du Timoc, le 28 septembre 1737. Voyez t. I, p. 196.
e Voyez les Œuvres de Frédéric, publiées du vivant de l'auteur, t. III, p. 282, seconde note.