II. AVANT-PROPOS DE L'EXTRAIT TIRÉ DES COMMENTAIRES DU CHEVALIER FOLARD SUR L'HISTOIRE DE POLYBE.[Titelblatt]
<110><111>AVANT-PROPOS DE L'EXTRAIT TIRÉ DES COMMENTAIRES DU CHEVALIER FOLARD SUR L'HISTOIRE DE POLYBE.
L'ouvrage que nous vous donnons peut s'appeler l'Esprit de M. de Folard. Parmi les visions et les extravagances de cet illustre militaire, il se trouve des trésors; il avait enfoui des diamants au milieu du fumier, nous les en avons retirés, et, au lieu de six gros volumes in-quarto, nous donnons aux amateurs le quart d'un de ces volumes. On a fait main basse sur le système des colonnes; on n'a conservé que les manœuvres de guerre dont il donne une description juste, la critique sage qu'il emploie sur la conduite de quelques généraux français, certaines règles de tactique, des exemples de défenses singulières et ingénieuses, et quelques projets qui fournissent matière à des réflexions plus utiles encore que ces projets mêmes. On ne doit pas réprouver le chevalier de Folard de ce qu'il s'est fait un système de guerre particulier; on doit plutôt applaudir à ce que son ouvrage a pu fournir à un extrait aussi utile que l'est celui qu'on vient de faire. Dans le grand nombre de livres qui sont écrits, il y en a bien peu qui soient tout d'or; il y en a peu même dont on pourrait tirer autant de bonnes choses que du Commentaire de Polybe. Il serait à<112> souhaiter pour les progrès des connaissances humaines que, au lieu d'écrire, sans faire des livres nouveaux, on s'appliquât plutôt à faire de bons extraits de ceux que nous avons déjà; on pourrait espérer alors de ne pas perdre inutilement son temps par ses lectures. Nous nous flattons que les militaires nous sauront gré de leur avoir épargné la lecture des six volumes, en leur en présentant la quintessence. L'art de la guerre, qui mérite certainement d'être étudié et approfondi autant qu'aucun des autres arts, manque encore de livres classiques. Nous en avons peu. César, dans ses Commentaires, ne nous apprend guère autre chose que ce que nous voyons dans la guerre des pandours; son expédition dans la Grande-Bretagne n'est autre chose; un général de nos jours ne pourrait se servir que de la disposition de sa cavalerie à la journée de Pharsale. Il n'y a rien à profiter de toutes les guerres qui se sont faites du temps du Bas-Empire. On voit renaître l'art militaire pendant les troubles de Flandre, et Turenne, élève du prince Maurice d'Orange,112-a y apprit cet art négligé pendant tant de siècles; ses Deux dernières campagnes, écrites par lui-même,112-b sont comptées parmi nos meilleurs livres classiques. Après celui-là vient Feuquières, ce sévère censeur des généraux de son temps;112-c on peut y ajouter Santa Cruz 112-d et l'Histoire militaire du règne<113> de Louis XIV,113-a qui devient importante pour l'étude des projets de campagne; non pas qu'on les propose comme des modèles, mais à cause qu'on voit par leur succès en quoi on avait manqué alors de prendre ses mesures, et que les fautes des autres nous font acquérir l'expérience à leurs dépens. A la suite de ces ouvrages, on pourra compter Folard, rédigé au point où nous Pavons réduit. Ceux qui ont eu soin de faire imprimer cet abrégé ne se sont proposé que la plus grande gloire du service, en tâchant de faciliter aux officiers l'étude de leur art et d'un métier qui mène à l'immortalité.113-b
112-a Le vicomte de Turenne, né à Sedan le 11 septembre 1611, se rendit en Hollande, vers le commencement de l'année 1625, pour se vouer au service militaire. Maurice de Nassau, son oncle, le reçut avec bonté et consentit à lui servir de guide; mais ce prince mourut à la Haye, le 23 avril de la même année. Le prince Frédéric-Henri, son frère, donna, en 1626, une compagnie d'infanterie au jeune Turenne.
112-b Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes, attribue à M. Deschamps les Mémoires des deux dernières campagnes de Monsieur de Turenne en Allemagne et de ce qui s'est passé depuis sa mort, sous le commandement du comte de Large. Paris, 1678, deux volumes in-12. Voyez t. XVII, p. 323, et ci-dessus, p. 50.
112-c Mémoires de M. le marquis de Feuquières, contenant ses maximes sur la guerre, et l'application des exemples aux maximes, Amsterdam, 1731. Voyez Die militairische Richtung in Friedrichs Jugendleben, eine Festrede von J. D. E. Preuss (Berlin, 1856), p. 27 et 37; voyez aussi notre t. XVI, p. 172.
112-d Réflexions militaires et politiques, traduites de l'espagnol de M. le marquis de Santa Cruz de Marzenado, par M. de Vergy, Paris, 1738, onze volumes in-8.
113-a Par Charles Sevin, marquis de Quincy, Paris, 1726, six volumes in-4. Voyez t. XXII. p. 330.
113-b Voyez ci-dessus, p. 107.