<98> maréchaux que la France lui a opposés, et vous verrez combien il leur était supérieur; lui seul valait quarante mille hommes à l'année des alliés. Un autre exemple, mais moins brillant et d'un genre fort inférieur, que je pourrais vous citer d'une bonne défensive est celui de Charles-Emmanuel, roi de Sardaigne. Il défendit bien le passage des Alpes l'année 1747 et, ayant occupé avec beaucoup d'art et de sagacité le col de l'Assiette, il anéantit, par cet obstacle qu'il leur présenta, les desseins des Espagnols et des Français. Le chevalier de Belle-Isle, qui commandait les alliés, attaqua trop à la légère ce poste important; ses troupes fuient partout repoussées, et il y perdit la vie. Les Français et les Espagnols repassèrent le Var, et le roi de Sardaigne eut la gloire d'avoir préservé, pour cette campagne, ses Etats des inondations des ennemis. Ces avantages n'étaient dus qu'au choix judicieux d'un poste inexpugnable et des bonnes mesures qu'il avait prises.
Si une armée est réduite à la défensive par quelque échec ou par une bataille perdue, la règle et l'expérience demandent qu'on se retire, après une défaite, le moins que possible. Il est bien rare qu'il ne se rencontre pas quelque poste à une demi-lieue d'un champ de bataille; c'est là qu'il faut s'arrêter; en voici les raisons. Plus vous fuyez, plus vous augmentez vos pertes; des blessés qui se traînent avec peine une demi-lieue ne peuvent vous suivre deux lieues, et sont par conséquent pris par l'ennemi. Plus vous abrégez le chemin de votre retraite, moins vos soldats se débanderont. Observez encore que, en cédant peu de terrain à l'ennemi, vous diminuez de beaucoup sa victoire, car on ne fait la guerre que pour gagner du pays. Ajoutez surtout à ces réflexions que jamais armée n'est moins disposée à se battre qu'immédiatement après des victoires; tout le monde rit aux anges, chacun exagère ses hauts faits d'armes, la multitude est charmée d'être heureusement sortie des grands dangers auxquels elle a été exposée, et personne n'a l'envie de les affronter sur-le-champ. Aucun général ne ramènera le lendemain ses troupes victo-