VII. INSTRUCTION POUR LE PRINCE HÉRÉDITAIRE DE BRUNSWIC.[Titelblatt]
<138><139>INSTRUCTION POUR LE PRINCE HÉRÉDITAIRE DE BRUNSWIC.
AU PRINCE HÉRÉDITAIRE.
(Breslau) 13 décembre 1778.
Mon cher neveu,
Mon frère Henri m'édit139-a que sa santé ne lui permet plus de soutenir les fatigues d'une campagne, et qu'il veut se retirer. Cela étant, je n'ai pu jeter la vue que sur vous, mon cher neveu, pour le remplacer. Toutefois il faut que je diffère votre translation jusqu'au mois de mars, parce que je ne saurais laisser la Haute-Silésie sans quelque surveillant attentif et qui combine toute notre position dans cette province. En attendant, je vous prie de m'envoyer votre projet pour faciliter la jonction avec les Russes, au cas que les Autrichiens voulussent s'y opposer, et de me donner un mémoire raisonné pour tourner, par des chemins qui vous sont plus connus qu'à moi,139-b la position de Heydepiltsch139-c ....
<140>INSTRUCTION.
La campagne prochaine va décider probablement du destin de l'Allemagne. On ne peut donc employer trop de prudence à la bien combiner. Le Roi se propose d'agir offensivement avec le secours des Russes en Moravie, et de pousser la guerre, le plus qu'il sera praticable, vers le Danube. D'autre part, il doit laisser vingt bataillons, tant à Landeshut que dans la principauté de Glatz, pour couvrir ces frontières contre les incursions ou même contre les projets d'invasion que l'ennemi peut méditer. Peut-être faudra-t-il encore, outre ces détachements, laisser un corps dans le Teschen ou la principauté de Pless, pour couvrir ses derrières contre les entreprises des Autrichiens, qui, de la Gallicie, pourraient ravager tout jusqu'à Ratibor et venir sur les derrières de l'armée qui opère en Moravie. L'armée de Saxe ne peut point seconder les opérations de ces troupes vers ces lieux éloignés; mais elle peut empêcher les diversions que l'armée autrichienne de l'Elbe pourrait faire en Silésie. Il s'ensuit de là que cette armée doit entrer en Bohême, la majeure partie par la Lusace, et l'autre par la Saxe. Le but de cette opération doit être de nettoyer le cours de l'Elbe jusqu'à Leitmeritz, pour s'assurer le passage de ses vivres, si l'ennemi a quelque gros corps vers Königingrätz ou Jaromirez, de lui venir à dos, de lui ôter ses magasins et l'empêcher de porter l'offensive en Silésie, pour tourner ensuite toutes ses forces sur Prague. Si l'on peut se procurer quelque avantage, il faut, si cela est praticable, attaquer l'ennemi. Après une victoire, Prague et Éger tombent sûrement, après quoi il est temps de penser à Königingrätz. Si l'armée du Roi a remporté un succès bien marqué en Moravie, Hadik sera obligé de détacher incessamment pour l'Autriche, et l'armée prussienne pourra faire en Bohême telle entreprise qu'elle<141> voudra, sans rien appréhender de l'ennemi, et dès lors, poussant de son côté ses opérations vers le Danube, nous mettons aux Autrichiens la corde au cou. Comme les troupes saxonnes ne sont pas faites pour les grands coups de collier, il faut plutôt s'en servir comme d'une montre, comme d'un remplissage, que de les employer dans des actions sérieuses; en les employant sur les communications, on en lire service sans rien risquer.
De tout ce projet-ci, la grande difficulté consiste dans le transport des vivres, et je crois que l'armée ne trouvera des chevaux à sa disposition qu'au delà de l'Éger et de l'Iser. Si l'on trouve le moyen damasser suffisamment de chevaux, le reste de cette opération deviendra facile. Cet article méritera le plus de calcul et de prévoyance. Quant au temps qu'on pourra ouvrir la campagne, c'est de quoi il est encore impossible de décider maintenant; mais, à vue de pays, cela ne pourra avoir lieu qu'à la mi-mai, temps avant lequel on ne trouve point de fourrage.
Breslau, 16 janvier 1779.
Federic.
139-a De Dresde, 3 décembre 1778. La lettre du prince Henri et la réponse du Roi, datée de Breslau, 11 décembre, se trouvent dans notre t. XXVI, p. 530-533.
139-b Le Prince héréditaire taisait alors dans la Haute-Silésie une guerre de postes qui accrut considérablement sa réputation. Voyez t. VI, p. 177 et suivantes; t. XXVI, p. 020.
139-c Voyez t. VI, p. 162 et 163.