<152>Il faut, pour se faire une juste idée de la bataille de Soor, se représenter exactement le terrain sur lequel elle se donna. Dans la position où était l'armée avant la bataille, sa droite s'appuyait à un petit bois gardé par un bataillon de grenadiers, et le village de Burkersdorf était sur le flanc droit, prenant de Prausnitz au chemin de Trautenau : il n'était point occupé, parce qu'il est situé dans un fond et que les maisons en sont isolées. Ce fond bas régnait du front jusqu'à l'extrémité de la droite, et séparait le camp d'une hauteur assez élevée, qui s'étendait du chemin de Burkersdorf à Prausnitz, et sur laquelle on avait placé les hussards et les gardes du camp. Le front de l'année était couvert par le village de Staudenz, au delà duquel régnaient des montagnes et des bois qui tenaient au Royaume de Silva. La gauche de la petite armée était appuyée à un ravin impraticable. Deux chemins menaient du camp à Trautenau : l'un par la droite du camp, laissant Burkersdorf à gauche, passait par un petit défilé, et conduisait ensuite par une plaine unie à Trautenau; l'autre partait de la gauche de l'armée, passait par une vallée pleine de défilés et par le village de Rudersdorf, et menait à Trautenau plutôt par des sentiers que par une route battue.
Lorsque le Roi arriva à ses grand'gardes, il vit que les Autrichiens commençaient à se former, et il jugea qu'il serait plus téméraire de se retirer à travers des défilés devant une armée qu'il avait si proche, que de l'attaquer malgré la prodigieuse infériorité du nombre. Le prince de Lorraine avait bien compté que le Roi prendrait le parti de la retraite, et c'était sur quoi il avait fait sa disposition : il voulait engager une affaire d'arrière-garde, et il est sûr que celle-là lui aurait réussi. Mais le Roi prit sans balancer le parti de l'attaquer, parce qu'il aurait été plus glorieux d'être écrasé en vendant chèrement sa vie, que de périr dans une retraite qui aurait assurément dégénéré en fuite ignominieuse.