<156> mille soldats : victimes illustres qui sacrifièrent leur vie pour le salut de l'État. On comptait que le nombre des blessés montait à deux mille. Les vaincus perdirent vingt-deux canons, dix drapeaux, deux étendards, trente officiers et deux mille soldats qui furent faits prisonniers. Le prince Léopold se distingua dans cette journée, mais surtout le maréchal de Buddenbrock et le général Goltz, qui avec douze escadrons en battirent cinquante.
Si cette bataille ne fut pas aussi décisive que celle de Friedeberg, il faut s'en prendre au terrain où elle se donna. L'ennemi qui fuit dans une plaine, doit souffrir des pertes considérables : celui qui a le dessous dans un pays montueux, est à l'abri de la cavalerie, qui ne peut l'entamer vivement; et quelque petit que soit le nombre qu'il rallie sur la crête des hauteurs, ce nombre est suffisant pour ralentir la poursuite du victorieux.
Le projet de cette bataille, qu'il soit du prince de Lorraine, ou de Franquini auquel d'autres l'attribuent, était beau et bien imaginé. Le poste des Prussiens était sans contredit vicieux : l'on ne peut les excuser de n'avoir pensé qu'à leur front, et d'avoir négligé leur droite, qui était dans un fond dominé par une hauteur qui n'en était éloignée que de mille pas. Mais si les Autrichiens savaient imaginer, ils n'avaient pas le talent de l'exécution : voici les fautes qu'ils commirent. Le prince de Lorraine aurait dû former sa cavalerie de la gauche devant le chemin de Trautenau et à dos du camp prussien : en barrant ce chemin, l'armée du Roi n'avait ni terrain pour se former, ni moyen d'appuyer sa droite. Le prince de Lorraine pouvait aussi en arrivant sur le terrain lâcher cette cavalerie, pour donner à bride abattue dans le camp prussien : le soldat n'aurait pu ni courir aux armes, ni se former, ni se défendre; c'aurait été se procurer une victoire certaine. On dit que M. d'Aremberg avait égaré sa colonne pendant la nuit, et qu'il s'était formé à rebours, le dos tourné vers le camp du Roi : cela ressemble assez au duc d'Aremberg, et c'est,